Le Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) s'émeut d'un projet de circulaire relative à la contention et à l'isolement en psychiatrie, qui doit concrétiser la loi de modernisation de notre système de santé. L'article 72 vise à encadrer ces pratiques, en les définissant ainsi : « L'isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d'un psychiatre, prise pour une durée limitée. » La loi – d'application immédiate – précise que chaque mesure de contention fait l'objet d'une mention dans le registre tenu par l'établissement, avec nom du praticien et des professionnels de santé ayant surveillé le patient, date, heure et durée de la contention.
Dans la forme d'abord, les psychiatres hospitaliers regrettent de n'être pas associés à la rédaction de la circulaire. En conséquence, les spécificités de la psychiatrie restent méconnues, déplore le SPH.
Des « réalités cliniques têtues »
Dans le détail, le SPH dénonce un hiatus entre la loi et le projet de circulaire. Contrairement à la loi, le texte d'application restreint l'isolement et la contention « aux personnes hospitalisées en soins sans contentement et isolées dans des chambres spécialement aménagées à cet effet ».
« Si nous voulons comprendre pourquoi il y a des mesures de contention ou d'isolement dans les hôpitaux, voire comment remédier à certaines situations d'abus, il faut une entière transparence, sans restriction », affirme « au Quotidien » le Dr Michel David, vice-président du SPH. « Cela nous permettra de savoir dans quel cas il y a contention, pour quelles raisons, dans quelles circonstances. En un mot, d'ouvrir le débat », dit-il.
Des débats à ouvrir
Le SPH appelle à ne pas nier les faits. Les « réalités cliniques têtues, la diversité des situations, imposent d'admettre que des personnes en hospitalisation sans consentement peuvent être isolées dans leur chambre personnelle et non dans des chambres spécialement aménagées, (...) que des personnes en soins libres peuvent être isolées dans leur chambre ou dans des chambres spécialement aménagées », écrit le syndicat. « Pour suivre la circulaire, les hôpitaux risquent de ne pas inscrire sur le registre tous ces cas particuliers qu'il faut pourtant prendre en compte », commente le Dr David.
Le psychiatre appelle à ouvrir les yeux sur la complexité de la psychiatrie. « L'isolement prend des formes particulières. Il peut parfois être préférable à certains médicaments qui peuvent, eux, être de dernier recours », indique-t-il.
Autre débat qui aurait pu prendre davantage d'ampleur : la distinction entre prescription et décision médicale. « Nous sommes divisés sur la question : certains psychiatres considèrent qu'isolement et contention n'ont aucune valeur thérapeutique, d'où le terme de décision – qui est susceptible de recours devant une juridiction. D'autres préfèrent le terme de prescription, pour assumer leur fonction médicale », explique le Dr David.
Et de dénoncer un certain aveuglement des législateurs ou théoriciens : « La réalité clinique et institutionnelle est souvent ignorée de ceux qui n'ont pas eu à traiter des situations cliniques complexes comme le font tous les jours des équipes soignantes. » Le SPH s'inscrit notamment en faux contre l'avis du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui dans un rapport en mai, invitait le monde de la psychiatrie à questionner des pratiques trop banalisées.
Secret médical
Quant au registre, qui peut être présenté à la commission départementale des soins psychiatriques et au contrôleur général des lieux de privation de liberté, le SPH attire l'attention sur le respect du secret médical. « L'identifiant patient suffit-il à assurer la confidentialité ? », s'interroge le Dr David.
Enfin, sur le terrain, comment les établissements qui ont commencé à mettre sur place des registres – pour se conformer à la loi d'application immédiate – vont-ils rectifier le tir lorsque la circulaire paraîtra ?, soulève le SPH.
La création du registre fait figure de rendez-vous manqué selon le syndicat, alors qu'il aurait pu être l'occasion pour « pour les pouvoirs publics et la population d'améliorer leurs représentations d'un domaine complexe qui dérange et fait souvent peur ».
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