Comme tous les deux mois, le Dr Sébastien Moschietto, chef de service de réanimation à l’hôpital d’Avignon, passe la semaine au sein de l’unité de soins continus de huit lits de l’hôpital d’Orange, à environ 35 km de la ville-préfecture de Vaucluse (84). Il habite à une demi-heure des deux établissements du Groupement hospitalier de territoire (GHT), au lieu d’aller travailler à vélo, il est contraint de prendre sa voiture.
Sur les 11 équivalents temps plein (ETP) de médecins au sein du service, huit à neuf praticiens se rendent régulièrement dans le nord du département. « Tout le monde a adhéré au projet », salue le Dr Moschietto. En général, le même spécialiste assure la permanence des soins du lundi au vendredi de 8h30 à 18h30. « Le but est de réaliser le diagnostic des patients pris en charge et d’établir les projets de soins », explique le chef de service. « Cette organisation a permis de fluidifier les transferts de patients à Avignon et d’alléger le travail de la régulation, renchérit-il. Maintenant, l’ensemble des transferts de l’hôpital d’Orange vers notre unité sont justifiés et ça nous permet de mieux gérer nos lits au quotidien ». De fait, à Avignon, le nombre de lits de réa est très serré : 16 pour 500 000 habitants, contre 10 pour 100 000 en moyenne en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca).
Consultations avancées
Cette organisation itinérante a été mise en place fin 2022. Depuis, la mobilité territoriale est notifiée aux nouvelles recrues. Les premières réunions ont eu lieu avant le Covid à la suite de sollicitations des urgentistes d’Orange, où l’unité de soins continus était alors gérée par les anesthésistes, mobilisés par ailleurs au bloc et en maternité. « C’est difficile de trouver un jeune praticien motivé pour faire uniquement des soins continus à Orange », commente le Dr Moschietto. L’idée a germé de créer une équipe territoriale. « Le projet n’a pas pu être mis en place durant le Covid malheureusement. Ça nous aurait été bien utile », raconte-t-il.
À son arrivée dans la région, en octobre 2017, la Dr Cherifa Gounane, cheffe de service de pneumologie à l’hôpital Avignon, « a très vite constaté une pénurie de spécialistes, en ville comme à l’hôpital et en périphérie ». Sur six équivalents temps plein de médecins et trois d’assistants, 0,8 ETP est déployé sur le GHT. Concrètement, chaque praticien se rend un jour par semaine dans un autre établissement. Sur place, il assure des consultations et effectue des examens médicaux de première ligne.
« Le but est que le malade ait accès aux soins au plus proche de chez lui et de soulager le site d’Avignon car on ne peut pas accueillir tous les patients, ni en consultation ni en hospitalisation », explique la pneumologue qui va à Apt, à une heure de route de son lieu de travail habituel, une fois par semaine. Là-bas, elle donne aussi des avis en salle, se met en contact avec les urgentistes et organise le transfert de patients nécessitant une prise en charge plus spécialisée. « Le reste de la semaine, notre ligne directe est à la disposition des collègues », poursuit la cheffe de service. Chaque hôpital de proximité a donc un référent. En cas d’absence, le médecin d’astreinte prend les appels. Ce dispositif a été déployé à Orange en 2019, Cavaillon en 2021 puis à Apt et Carpentras grâce au renforcement de l’équipe médicale d’Avignon « même si on n’est pas encore au complet », selon Dr Gounane.
Quatre mois d'attente en néphrologie
« Les nouvelles recrues jouent le jeu. Tout le monde a compris l’intérêt d’y aller. Au début cela demande un effort mais on est tellement bien accueilli que cela se passe bien », ajoute la spécialiste. Et les besoins se font sentir dans d’autres spécialités. « Je vois une quinzaine de patients par demi-journée et les délais d’attente sont de quatre mois », explique le Dr David Verhelst, chef de service de néphrologie à l’hôpital d’Avignon, qui assure une consultation avancée une fois par semaine à Cavaillon.
« L’objectif du GHT, c’est de faciliter la mise en place de filières de soins spécialisées, graduées et territorialisés dans toutes les spécialités », explique le Dr Borhane Slama, président de la commission médicale de groupement (CMG) et chef de pôle de cancérologie de territoire, pionnier dans le Vaucluse. La neurologie, la gastro-entérologie, la chirurgie, l'endocrinologie ainsi que la cardiologie sont concernées.
Le montant de la prime d’exercice territorial (PET) varie de 250 à 1 000 euros brut, en fonction du nombre de demi-journées passées en dehors du site principal et du nombre de sites différents. « Cette prime n’est pas suffisamment incitative car elle ne tient compte que de la présence du praticien dans l’hôpital de proximité », nuance le Dr Slama. Son rôle de médecin référent n’est donc pas valorisé. Une façon de souligner que la mobilité territoriale a un prix.
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