« Si j’étais encore une hospitalière, j’aurais probablement signé « l’appel des 1 000 » » a claironné la ministre…« Étonnant non ? » aurait dit feu l’humoriste Pierre Desproges. « L’appel des 1 000 » (NDLR : lancé en janvier à l’initiative des Pr André Grimaldi, Jean-Paul Vernant, et du Dr Anne Gervais, il s'alarmait de la situation des hôpitaux français) est un mensonge. Nous allons tenter de le démontrer tout de suite. Que la ministre le signe c’est normal puisqu’il reprend point par point ce que Matignon a prévu pour ne pas répondre aux demandes des médecins et des hospitaliers. Ces derniers réclament une seule chose : pouvoir soigner les malades.
« L’appel des 1 000 », est parfois présenté dans la presse comme une démarche inédite dans une collectivité où la tradition voudrait que le linge sale se lavât en famille… Faux, le professeur André Grimaldi en est à son 8e appel en 20 ans. Les éléments contenus dans celui-ci laissent supposer, comme à son habitude, qu’on ne peut pas tout rembourser. C’est ce raisonnement qui conduit au système du panier de soins. Ce panier sera-t-il plus ou moins garni selon la capacité de paiement du patient ?
Désaccord sur le diagnostic
D’autre part, entre la ministre et nous les médecins, le diagnostic sur le mal dont souffrent les hôpitaux serait partagé : « la logique commerciale et le management par le chiffre, conséquences du tout-T2A ». Encore Faux : les EHPAD et toute la psychiatrie française sont financés indépendamment de la T2A et sont les secteurs les plus touchés par la politique d’austérité hospitalière.
Le mal dont souffrent les hôpitaux est, en revanche, clair pour tous : la pénurie en personnel médical et non médical organisée de longue date, les fermetures de lits, de services et d’hôpitaux avec les GHT, le déséquilibre des pouvoirs à l’intérieur de l’hôpital, le détournement des recettes de la sécurité sociale et les enveloppes contraintes dans cet honni ondam voté chaque année par des députés, au premier rang desquels M. Veran Olivier. Nous ne partageons donc pas le diagnostic.
Qui décide de la pertinence d'un soin ?
La délégation dite des 1 000, reçue sur la base de cet appel signé en quelques jours, annonce une « concertation authentique avec les professionnels de terrain ». Ne faisons pas de procès d’intention mais là encore très étonnant pour les professionnels qui attendent d’être reçus depuis 6 mois. En effet, de son côté, la lettre ouverte du 18 septembre signée après des mois de discussion, chaque mot pesé, par 1 186 médecins (qui effectivement par tradition et par obligation déontologique s’expriment peu) dit ce que la ministre refuse d’entendre. Elle continue comme avant et ne prend aucune des mesures d’urgence évidentes pour les praticiens de terrain qui tentent de le lui dire.
À l’inverse la délégation dite des 1 000 propose avec la ministre la « mise en œuvre rapide d’une politique pour la pertinence des soins », en commençant par la pertinence des remboursements : arrêt des remboursements par la Sécurité sociale des médicaments remboursés à 15 ou 35 %, de l’homéopathie, des surcoûts dus au refus des génériques… mises sous autorisation préalable de certains actes chirurgicaux programmés. Et puis une petite question : quand la ministre dit : «il faut que le bon malade soit opéré au bon endroit au bon moment » que croit-elle que nous soyons en train de faire ? Qui décide de la pertinence d’un soin ? Des commissions pour décider de ne plus soigner tel ou tel type de profil de patients trop âgés ou trop malades vont-elles se mettre en place ?
La loi « HPST » est responsable
La délégation des 1 000 avec la ministre propose la suppression des pôles sans pertinence clinique effective, la mise en expérimentation de la dotation annuelle modulée pour les services et les établissements qui le souhaitent : quel capharnaüm ça va être ! Un pôle avec une cohérence clinique s’appelle un service ou un département et la logique en est médicale comme avant la loi HPST. Un pôle à l’hôpital c’est budgétaire. Comment parler de ces sujets sans aborder la question de l’abrogation des dispositions de cette loi HPST qui est en grande partie responsable de ces situations de harcèlement et de management destructeur ?
La délégation conclut : en attendant la mise en place de la réforme, gel de la suppression des postes de personnels soignants. Ah ! Enfin une bonne nouvelle, mais là encore, mensonge, car sur le terrain aucune pause à l’horizon. Les ARS dont la même ministre propose d’augmenter les pouvoirs continuent leur œuvre destructrice, licencient des médecins, des infirmières, convoquent, intimident, ne renouvellent pas les contrats, ferment à tour de bras regroupent… Comment croire que cela se fait en dehors du contrôle du ministère et des deux ministres A.Buzyn et E.Philippe ? Et une fois la réforme en place, on recommence les suppressions, est-ce cela qu’il faut comprendre ? (…)
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