LE QUOTIDIEN :Les cliniques ne sont-elles pas allées trop loin avec le boycott des stages infirmiers ? Le jeu en valait-il la chandelle ?
JÉRÔME NOUZARÈDE : Les Français, je crois, ont compris les raisons du mouvement. Nous sommes les seules entreprises françaises à ne pas avoir droit au CICE [crédit d’impôt compétitivité et emploi] dans son intégralité, alors que nous payons les mêmes charges et impôts. Cela laisse pantois. J’ai totalement soutenu le boycott, même si je regrette qu’il ait fallu employer ce moyen pour se faire entendre. Depuis vingt ans que je travaille dans le secteur, je n’ai jamais connu une telle exaspération. Nous avons le sentiment d’être discriminés. On nous dit que c’est parce que nous sommes différents des hôpitaux, ce que nous récusons. Nous souhaitons que l’arrêt du mouvement signe le début d’un dialogue respectueux avec le ministère de la Santé.
N’y a-t-il pas une ambiguïté aux yeux des patients, confrontés aux dépassements d’honoraires, quand dans le même temps les cliniques réclament de meilleurs tarifs ?
Ce qui est en jeu, c’est la soutenabilité de notre modèle social et sanitaire. Sans réforme, on va dans le mur. Le reste à charge est un sujet, mais les dépassements sont localisés. À Vedici il n’y en a pas, ou très peu. Le relevé de conclusions signé par le ministère de la Santé et la FHP comprend un point de vigilance sur les dépassements d’honoraires. En parler est prématuré. Cela justifiera des discussions prochaines.
Les cliniques demandent une simplification des normes, des autorisations. Pouvez-vous illustrer par des exemples ?
En chirurgie complète, la réglementation impose une infirmière pour 15 patients. Il faudrait pouvoir moduler selon les circonstances, comme cela a été fait en chirurgie ambulatoire. Nos autorisations sont remises en cause tous les cinq ans. Donnons-nous de la lisibilité ! Sinon comment pouvons-nous investir ? Fin 2012, la cardiologie interventionnelle d’une de nos cliniques à Limoges s’est trouvée sur la sellette. Un accord a été trouvé avec le CHU et l’ARS, aux forceps. Même accord aux forceps à Brest, où la radiothérapie était menacée. Alors que le matériel coûte des millions d’euros, sans parler des investissements immobiliers.
Votre secteur n’a pas été entendu sur tous les points. Succès ou échec ?
Nous sommes parvenus à un compromis acceptable. Mais il faut que les promesses soient suivies d’effet. Nous sommes prêts à voir nos tarifs modulés à condition que les efforts soient partagés. Les cliniques sont sources d’innovation : explorons les voies qui permettent au système d’être plus efficient. À Nantes, où l’on regroupe des cliniques sur un site unique, Vedici s’engage à porter la chirurgie ambulatoire à 70 % en 2017 - contre 58 % aujourd’hui. Le plateau technique sera construit en conséquence, avec l’aide financière de l’ARS. À la clé, il y a des économies pour le système.
La période a-t-elle entamé le dynamisme de Vedici ?
Non. Nous souhaitons être acteur de la concentration du secteur. Cela passe par des projets de rachats. Une dizaine de cliniques indépendantes nous ont sollicités ces derniers mois : les médecins actionnaires trouvent de plus en plus difficile de rester seuls face aux contraintes économiques. Nous nous préparons aussi au rapprochement avec d’autres groupes.
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