C'est ce qui s'appelle être dans le thème. Plusieurs syndicalistes libéraux, hospitaliers et représentants des internes ont débattu de la pertinence des soins, un sujet au cœur de la réforme du système de santé présentée ce mardi, lors d'une table ronde organisée ce week-end à la 24e Université d'été de la CSMF. Si tous se sont accordés sur la définition de la pertinence d'un acte (le bon soin au bon patient au bon moment), ils ont également dressé un constat commun : les exemples de non-pertinence des soins sont nombreux, en ville comme dans les établissements.
Pratique déformée
Ils peuvent être d'abord liés au mode de financement. Le témoignage de Jean-Baptiste Bonnet, président de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI) et interne en endocrinologie à Montpellier, est sur ce point significatif : « Avec la tarification à l'activité (T2A), on fait de l'obligation de moyens ! On nous apprend à faire du volume, car c'est comme cela que fonctionne l'hôpital, que fonctionnent nos pairs. En tant qu'interne, je n'ai aucune idée de combien coûte un examen de biologie ou une radio ! » Et une fois ses études terminées, le jeune médecin qui s'installe en ville est « déformé » par ce système productiviste et le fait perdurer, complète le Dr Patrick Gasser, président de la branche Spécialistes de la CSMF.
Mais la non-pertinence ne se résume pas qu'à « la course aux volumes ». Pour le Dr Rachel Bocher, présidente de l'Intersyndicat national de praticiens hospitaliers (INPH), cela peut aussi se formaliser par un hôpital dont le bureau des admissions est fermé après 17 heures et donnant pour consigne aux patients de passer par les urgences. Une façon, selon la psychiatre, de faire plus d'actes et, de facto, d'augmenter les rentrées financières. Le Pr Sadek Beloucif, président du Syndicat national des médecins des hôpitaux publics (SNAM-HP), pointe de son côté le manque de coordination entre les soignants, source de non-pertinence, voire d'erreurs. Demander à un patient s'il est allergique alors qu'un externe, un interne, une infirmière voire un ou plusieurs autres praticiens l'ont fait avant sans que cela ne soit consigné nulle part, « c'est flippant » pour le malade, illustre par l'exemple le chef du service d’anesthésie-réanimation à l’hôpital Avicenne de Bobigny.
L'équipe pour éviter « les bêtises »
Une fois ce constat dressé, les recettes ne manquent pourtant pas pour distiller plus de pertinence dans les actes médicaux. « Il faut identifier les freins et mieux informer le patient pour être dans des processus de coconstruction, estime le Dr Bocher. Quand on peut faire des réunions ville/hôpital, cela améliore les choses. Sur la prescription de psychotropes, on observe une diminution des durées d'hospitalisation pour un patient schizophrène qui participe à des réunions pluridisciplinaires avec les soignants. »
Coconstruire avec la ville, cela veut aussi dire permettre un accès aux services hospitaliers sans passer par les urgences. « C'est impossible actuellement ! Il n'est pas normal qu'une patiente de 80 ans ne puisse pas accéder directement à un service de pneumologie lorsque le médecin de ville estime que c'est nécessaire », s'insurge le Pr Beloucif.
Les jeunes médecins plébiscitent, eux, le regroupement en ville autour de plateaux techniques. « Ensemble on évite de faire des bêtises et on a un retour sur notre activité pour les cas compliqués. On doit apprendre à l'interne comment s'inscrire dans cette logique, mais j'enfonce presque une porte ouverte en disant cela », témoigne le président de l'ISNI, qui plaide aussi pour un développement des messageries sécurisées. Le patron des Spés de la CSMF appelle de son côté à revoir les statuts des médecins, pour aller vers des lieux d'exercice partagés et des statuts mixtes – des mesures que l'on retrouve dans le plan santé du gouvernement. « La ministre en a parlé, je pense que c'est très bien. Ce changement peut faire évoluer l'ensemble de la ville et de l'hôpital », estime le Dr Gasser. Il milite par ailleurs pour la prise en charge territoriale d'une population avec l'aide de la coordination et de la délégation de tâches.
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