LE QUOTIDIEN - Six mois après votre prise de fonctions, quelle est la feuille de route de l’EHESP dans un contexte financier contraint ?
Dr LAURENT CHAMBAUD - Nous avons un objectif précis, même s’il peut paraître technocratique, qui est de rédiger notre contrat d’objectif et de performance. En clair, il faut positionner l’école pour les cinq prochaines années sur l’ensemble de son spectre : les formations "professionnalisantes", académiques, la recherche, l’activité internationale, bref tout ce qui constitue notre ossature.
L’EHESP a parfois été accusée de trop se disperser au regard de ses moyens limités...
C’est vrai. Nous allons donc consolider les atouts majeurs de l’école. Ils se situent dans le domaine du management en santé - on crée un laboratoire de recherche - et de l’analyse des politiques sociales et de santé. Sur ce point, l’école est très attendue car elle forme les cadres de notre système de santé, ce qui suppose de réfléchir en permanence aux mutations. Notre troisième axe, historique, porte sur la thématique environnement et santé, avec une solide composante d’expertise et de recherche. Voilà notre ancrage. Ensuite, on essaiera de développer deux domaines en fonction de nos moyens : la sécurité sanitaire, et la prévention et promotion de la santé. Nous avons enfin un immense défi, le virage numérique, l’enseignement à distance, le e-learning.
Comment l’École s’adapte-t-elle à l’explosion des pathologies chroniques ? La stratégie nationale de santé, qui mise sur la médecine de parcours, est-elle prise en compte ?
Ce sont des enjeux majeurs. Une redéfinition de la place de toutes les structures de soins dans ces nouveaux parcours est en cours. L’école doit intégrer cette réorganisation et y préparer les directeurs d’hôpitaux, d’établissements médico-sociaux ou directeurs des soins. Nous devons en particulier mieux analyser le rôle du premier recours et de la médecine ambulatoire. Je voudrais que l’école s’intéresse de près à l’essor des structures ambulatoires - maisons de santé pluridisciplinaires, centres de santé - car elles exigeront un travail de gestion indispensable. Il faudra prendre en compte de nouveaux métiers. Dans nos enseignements, nous devrons associer davantage de professionnels du premier recours et développer la recherche.
Pour diriger un hôpital, quel est le profil idéal ? Le directeur est souvent évoqué dans sa capacité à gérer la contrainte économique et les conflits sociaux...
Certes, les directeurs doivent être capables de résister à la pression, montrer leur capacité de bonne gestion dans un univers économique contraint. Ils doivent avoir un savoir-faire en matière de ressources humaines, avancer dans un climat social tendu. Mais l’élément clé, ce sera leur capacité d’adaptation à un système de santé qui bouge en permanence. Passer d’une vision de bonne gestion à la réponse aux besoins de la population sur un territoire.
La responsabilité des établissements est de plus en souvent engagée suite aux réclamations des patients. Comment l’EHESP aide-t-elle les cadres à affronter le risque médical ?
Dans nos formations, il faut préparer les établissements et les professionnels à gérer cette responsabilité du risque médical. Mais eux doivent avoir la volonté d’impliquer davantage les usagers, parties prenantes des décisions dans de nombreux cas. L’école doit être un aiguillon dans ce domaine où il y a un retard. Certains pays ont su valoriser le patient expert, font participer les usagers aux travaux de recherche. La stratégie nationale de santé prévoit une prise en compte accrue des malades. À notre place, nous devons concrétiser ces objectifs. Les parcours doivent être pensés avec les patients.
Quelles sont les failles du système de santé français ?
D’abord, il y a beaucoup de choses qui vont bien. Je suis un fervent partisan des comparaisons entre pays. Sur la prévention et la promotion de la santé, la France est certes très en retard, surtout dans l’enseignement et la recherche. On a beaucoup expériences locales qui sont peu connues, non analysées, non évaluées. Certains pays ont élaboré des stratégies très efficaces. C’est la même chose sur les parcours de soins. Mais je le redis : la France n’a sans doute pas le meilleur système de santé au monde mais elle n’a de loin pas le plus mauvais !
Ne légifère-t-on pas trop dans le secteur de la santé?
La santé est comme le reste : oui on légifère beaucoup en France. Mais je vois progresser dans le secteur de la santé une modalité très prometteuse : le contrat. Sous le "chapeau" de la loi, laisser une base pour développer les contrats me semble une très bonne voie.
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