MAJORITAIRE chez les directeurs d’hôpital bien qu’en recul aux dernières élections, le SMPS s’est trouvé un nouveau chef en la personne de Christophe Gautier (lire aussi le Quotidien du 7 juin). Élu pour trois ans avec 96,8 % des suffrages (il n’y avait qu’une seule liste), le directeur du CH de Pau veut ouvrir une réflexion sur la place de l’hôpital au sein du système de santé. Christophe Gautier a annoncé la publication d’une plateforme de propositions dans les prochains mois. Mais il ne sera pas seulement question de revendications statutaires ou de convergence tarifaire intersectorielle, dont le SMPS demande l’abandon. Les directeurs et cadres hospitaliers entendent investir un nouveau terrain : l’organisation de la médecine libérale.
La Fédération hospitalière de France (FHF) s’était déjà illustrée, en début d’année, avec sa plateforme politique qui suggère de laisser à l’hôpital public le soin d’organiser les soins ambulatoires...en cas de défaillance de la médecine libérale. La FHF allait jusqu’à demander aux cliniques de passer un contrat avec l’hôpital voisin, afin que ce dernier contrôle la façon dont le privé met en œuvre les missions de service public. Les libéraux avaient modérément apprécié. Un prêté pour un rendu, s’était défendue la FHF : quelques mois plus tôt, la FHP-MCO (le syndicat représentant les cliniques spécialisées en médecine, chirurgie, obstétrique) avait prononcé une violente diatribe contre le secteur public hospitalier.
Déterminer un éloignement maximal.
Qu’ont donc en tête les directeurs d’hôpital regroupés au sein du SMPS - que Gérard Vincent, le délégué général de la FHF, a présidé par le passé? Christophe Gautier n’a pas abattu ses cartes. Mais il promet de s’atteler au sujet : « Il conviendra d’exprimer notre opinion sur les modalités de régulation des professions médicales, tant il est vrai que cette question de la démographie médicale conditionne les modalités de fonctionnement de nos établissements », a-t-il observé à Angers.
Son prédécesseur s’est exprimé franchement lors du congrès. « Par manque de courage face aux médecins libéraux, parce qu’il n’a pas osé leur imposer des contraintes d’installation, l’Etat a laissé apparaître des déserts médicaux », a déclaré Philippe Blua. L’ancien président du SMPS développe : « Il ne doit pas s’y ajouter des déserts hospitaliers. C’est un impératif de santé publique. Les pouvoirs publics doivent déterminer un éloignement maximal entre nos concitoyens et les activités médicales les plus courantes. Et parmi celles-ci, aider via les MIGAC celles que la T2A seule ne peut faire vivre ». Aux yeux de Philippe Blua, l’hôpital public « est le seul sur qui les Français peuvent compter en cas de crise sanitaire ». Au plus fort de la canicule, le week-end du 15 août 2003, seuls deux médecins libéraux étaient de garde dans les Hauts-de-Seine (1,5 million d’habitants), a-t-il accusé.
Concertation spécifique sur le secteur privé.
Dans le discours qu’a lu en son nom François-Xavier Selleret (directeur général de l’offre de soins et ancien « dircab » de Xavier Bertrand), Marisol Touraine a rappelé sa volonté d’améliorer l’accès aux soins. La ministre a axé le propos sur l’encadrement des dépassements. « Une négociation conventionnelle sera très prochainement engagée », a-t-elle confirmé, en laissant planer le mystère sur le calendrier précis.
La question du secteur privé à l’hôpital « fera l’objet d’une concertation spécifique ». « Les dépassements d’honoraires excessifs sont incompatibles avec les valeurs du service public », a souligné la ministre.
Comme à Hôpital Expo, la ministre s’est montrée aux petits soins pour le secteur, soulignant le rôle « déterminant » de l’hôpital public qui prend en charge les patients « les plus lourds, les plus complexes ». Et la ministre d’évoquer les « valeurs fondamentales » - non sélection des patients, offre de soins de qualité, recherche universitaire, formation - qu’il convient à ses yeux de réaffirmer. Quitte au passage à froisser les cliniques privées, terrains de stage pour les internes depuis la loi HPST, et auteurs d’un projet de charte, péniblement rédigé avec les médecins libéraux, visant à faciliter l’accès aux soins pour les plus démunis.
La T2A revisitée dès le prochain PLFSS.
Le candidat Hollande l’avait promis, le gouvernement Ayrault mettra fin à la convergence tarifaire public-privé : « C’est un préalable au rétablissement du service public hospitalier », indique la ministre, reconduite jeudi dernier dans ses fonctions. La T2A, qui « comporte des dérives », sera « revisitée dès le PLFSS 2013 » (projet de loi de financement de la Sécurité sociale) afin de mieux valoriser les missions de service public. Marisol Touraine s’est en revanche gardée d’évoquer la nouvelle loi hospitalière promise quelques jours plus tôt par François Hollande (c’était devant le Conseil économique, social et environnemental). « Encore une ! », s’étrangle Philippe Blua.
Malaise des directeurs.
Les managers hospitaliers réclament plutôt une pause réglementaire. Surtout, ils appellent leur tutelle à plus de respect. L’ancien président du SMPS a évoqué les « démissions de directeurs ne supportant plus les injonctions contradictoires et le manque de soutien de leur tutelle ». Le malaise serait « profond », alimenté par « les pratiques » de certaines Agences régionales de santé. L’État n’aide pas, qui refuse de lâcher du lest, et « s’arroge le droit de contrôler les emprunts » souscrits par les hôpitaux publics. « La dette hospitalière ne représente que 40 % de nos budgets annuels. Celle de l’État, plus de 400 % de son budget. Qui a des leçons à prendre? », lance Philippe Blua.
Marisol Touraine entend rappeler les ARS à leur rôle premier : régulation, accompagnement, animation territoriale. « J’ai bien entendu le mal-être des dirigeants, des médecins, des soignants, et de toutes les catégories de personnel, qui expriment un sentiment de manque de respect, a-t-elle ajouté. Le pacte de confiance n’est pas une énième réforme de l’hôpital, c’est d’abord une méthode de travail ».
Padhue : Yannick Neuder promet de transformer les EVC en deux temps
À Niort, l’hôpital soigne aussi les maux de la planète
Embolie aux urgences psychiatriques : et maintenant, que fait-on ?
« Les Flying Doctors », solution de haut-vol pour l’accès aux soins en Bourgogne