Le temps est compté mais il veut le mettre à profit, notamment en ouvrant le chantier du décret de compétences des infirmières. « Je crois beaucoup à l'évolution des carrières et au déploiement des compétences pour celles et ceux qui le souhaitent, a confié Olivier Véran, la semaine dernière, lors d'un colloque de l'Ordre des infirmiers, après avoir reçu, les jours précédents, les représentants des Iade, des Ibode, des infirmières puéricultrices et des IPA. Il faut permettre aux infirmières d'acquérir des compétences médicalisées, pour moi cela n'est pas un gros mot ». Un ministre qui ne craint pas de faire sauter les tabous, en évoquant déjà la possibilité pour elles de « pourquoi pas prescrire certains médicaments. »
Il faut dire qu'il tient entre ses mains, depuis début janvier, un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur les protocoles de coopération et les pratiques avancées dont il a immédiatement fait siennes les conclusions. « Nous devons nous appuyer davantage sur la pratique avancée dont on voit qu’elle n’est pas suffisamment montée en charge dans le cadre existant et nous devons aller plus loin dans la reconnaissance des compétences, a fait savoir Olivier Véran. Ce sont les outils parmi les plus efficaces à court terme pour libérer le temps médical dont nous avons tant besoin. Il nous faut faire confiance aux professionnels de santé pour travailler et avancer dans ce sens ensemble ».
IPA praticiennes ?
Une reconnaissance sans ambiguïté, dans la lignée d'Agnès Buzyn qui n'a jamais hésité à citer la Grande-Bretagne en exemple, pays où la densité médicale est moins importante qu'en France mais où les infirmières jouent un rôle accru avec un périmètre élargi. Ainsi, en 2018, elle signait les décrets sur les domaines d'intervention et activités des IPA à la suite déjà de la loi Touraine de janvier 2016 qui avait posé le cadre légal de la pratique avancée dans le Code de la santé publique.
Dans son rapport, l'Igas a écarté l'idée de la création d'une nouvelle profession médicale intermédiaire que le ministre lui avait demandé d'examiner, puisque, selon elle, cette profession existe déjà à travers les IPA. Ainsi, l'inspection leur consacre une trentaine de propositions afin d'accélérer leur déploiement dont plusieurs semblent avoir retenu l'attention d'Olivier Véran. La mission préconise, en effet, de différencier deux types de pratiques avancées : des infirmiers en pratique avancée « spécialisés » d’une part et des infirmiers en pratique avancée « praticiens » d’autre part.
La seconde catégorie, qui ressemble fort aux « General practice nurses » britanniques, n'existe pas à ce jour en France. « Cette distinction a vocation à répondre à des champs de compétences et d’intervention différents, analyse l'avenue de Ségur. La création d’IPA praticiens permettrait à terme l’intervention de ces professionnels de santé en soins primaires et en population générale sur des pathologies courantes et bénignes pour améliorer l’offre de soins dans les territoires en libérant du temps médical. »
Valorisation
En outre, l'Igas estime nécessaire de valoriser les compétences des IPA : meilleure rémunération conventionnelle pour les libérales et création d'un régime indemnitaire spécifique à l'hôpital, assouplissement de leur droit de prescription et adressage du médecin vers les IPA, similaire à celui vers un confrère. L'accent est également mis sur la formation, en particulier en élaborant un plan de financement de la formation continue pour faciliter l'accès au diplôme d'IPA.
Les réticences du corps médical (lire page 12) ne sont pas éludées pour autant dans le rapport, qui insiste sur la nécessité de « cohérence » des différents dispositifs de partage de compétences. Il suggère de rémunérer le temps de coordination du médecin libéral avec l'IPA ou encore de créer « une consultation médicale annuelle de synthèse pour les patients suivis par une IPA pour des pathologies chroniques stabilisées ».
Porte d'entrée
Évidemment les premières intéressées applaudissent. « Nous partageons l'analyse fine du rapport de l'Igas pointant les freins que nous avons déjà identifiés, indique Tatiana Henriot, présidente de l'Unipa. Alors que des territoires manquent de médecins, l'IPA n'est pas aujourd'hui envisagée comme la porte d'entrée dans le système de santé. » De son côté, l'Ordre national des infirmiers appelle de longue date les pouvoirs publics à favoriser l’autonomie de la profession infirmière, y compris en la mobilisant « au titre du premier recours pour des pathologies bénignes en soins primaires, avec accès direct de la population. »
L'Assemblée nationale compte également des membres acquis à la cause de la pratique avancée. Infirmière anesthésiste de métier, la députée (Agir) Annie Chapelier a déposé, fin décembre, une proposition de loi visant à « redéfinir la pratique avancée infirmière », cosignée par des députés d'autres groupes.
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