Dans les coulisses du soin, au cœur du réacteur administratif et décisionnaire, les présidents de commission médicale d’établissement (PCME) et de groupement hospitalier de territoire (PCMG) sont un rouage essentiel pour faire tourner cette grosse machine qu’est l’hôpital public. Mais essentiel ne veut pas forcément dire reconnu.
C’est l’un des grands enseignements d’une enquête* des trois conférences de présidents de CME (CH, CH spécialisés et CHU) dont les conclusions ont été remises fin février au ministère de la Santé et au Centre national de gestion (CNG), chargé de la gestion des carrières hospitalières. Manque de reconnaissance de leur expertise transversale, accompagnement et formation quasi inexistants à la fin de leur mandat, difficultés psychologiques à revenir à la clinique après plusieurs années consacrées à leur activité administrative et ô combien politique… Les présidents de CME ont le blues.
Ne plus être dans la stratosphère
Il faut dire que leurs missions, qu’ils exercent en petit hôpital périphérique ou au sein d’un vaste CHU, sont primordiales autant que chronophages. Les PCME et PCMG sont chargés, conjointement avec le directeur de l’hôpital, de la qualité et de la sécurité des soins ainsi que de l'élaboration et la mise en œuvre du projet médical.
Le CNG dénombre près de 600 médecins ayant endossé cette casquette dans quelque 570 hôpitaux (CH et CH spécialisés) et dans l’intégralité des 32 CHU et CHR. Leur profil n’est pas tout à fait en adéquation avec la démographie médicale hospitalière. Avec sept présidents de CME sur dix (et même neuf sur dix en CHU/CHR, de statut PU-PH), la prépondérance des hommes se confirme quelle que soit la discipline, même si le changement est à l'œuvre. La pyramide des âges montre une concentration de PCME dans les tranches d’âges 50-65 ans. Enfin, neuf sur dix sont PH à temps plein.
Leur savoir-faire constituerait un atout majeur pour accompagner les changements nécessaires du système de santé
Enquête des trois conférences de présidents de CME
L’enquête des conférences révèle que derrière ces profils se cachent des médecins qui, une fois leur mandat révolu (quatre ans renouvelable une fois sauf exception), ne savent pas comment mettre en valeur leurs années de responsabilités politiques, institutionnelles ou administratives. Leur fonction les ayant éloignés du lit du malade (de manière « significative » pour un sur trois), c’est avec appréhension qu’ils envisagent un retour à la vie traditionnelle d’un PH (même si 62 % sont en parallèle chef de service). Au point que seule une courte majorité (51 %) se sent « prête » à reprendre une activité clinique à l’issue de son mandat. Près de 15 % reconnaissent que « cela sera difficile ». « Beaucoup de mes collègues présidents de CME ont déprimé après leur mandat et ont carrément cherché à partir de l’hôpital, confirme le Dr Pierre Charestan, ancien urgentiste PCME désormais conseiller médical du directeur de l’ARS Guyane. Quand votre mandat se finit, les portes se ferment du jour au lendemain. Il faut accepter de ne plus être dans la stratosphère. »
Parcours atypiques
Sauf que deux tiers des PCME qui arrivent en fin de mandat (63 %) ont l’envie de poursuivre des activités institutionnelles. 34 % ont envie de rester à leur poste ; 40 % convoitent une chefferie de service ; et 26 % la tête d’un pôle. Une minorité (9,4 %) veut devenir directeur d’hôpital. Ceux qui estiment pouvoir valoriser leur expérience pendant encore plusieurs années souhaitent à 84 % en faire profiter leur établissement.
Et c’est là que le bât blesse. Le manque d’accompagnement à la fin de leur mandat est une problématique soulignée par 85 % des PCME. « Il n’existe en effet à ce jour ni dispositif structuré, ni cadre formalisé pour capitaliser l’expérience de ces praticiens aux parcours atypiques, regrettent les conférences. Leur savoir-faire constituerait pourtant un atout majeur pour accompagner les changements nécessaires du système de santé, notamment dans la structuration de l’organisation territoriale des soins. »
Dans le détail, 77 % des PCME disent manquer d’informations et de recours (formations spécialisées, passerelles, annonces, etc.) sur les possibilités qui leur sont offertes pour leur avenir professionnel. Et même 100 % des PCME interrogés jugent que l’accompagnement mériterait d’être « organisé » pour les aider à réussir leur reconversion, que ce soit de manière systématique (pour 36 % à partir du premier mandat et 20 % à partir du deuxième) ou à la demande (pour 44 % d’entre eux). Sept médecins sur dix estiment qu’il est « nécessaire » pour eux de poursuivre une formation (lire encadré) afin de s’adapter à leurs nouvelles fonctions post PCME, peu importe leur nature.
« Nous sommes peut-être les seuls médecins hospitaliers à avoir une vision aussi large du système de santé, qui ne profite pourtant pas de nos compétences après notre mandat », regrette le Dr Thierry Godeau, président de la conférence des CME de CH. « Il faut se débrouiller avec notre réseau, analyse le Dr Alain Fuseau, PCME au Havre qui termine son mandat à la fin de l’année. Nous ne savons pas ce qui peut exister, ni ce que nous pouvons faire. Des PCME atterrissent bien dans les ARS, à l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), dans les agences sanitaires, mais à force de débrouille. Rien n’est pensé comme tel. »
La formation, clé de la reconversion ?
Selon le CNG, un président de CME peut, à sa demande, bénéficier d’une formation à l’issue de son mandat « en vue de la reprise de l’ensemble de ses activités médicales ». Mais l’enquête des conférences montre que la réalité est toute autre et que l’envie de reconversion ne relève pas forcément de la clinique.
Concernant la nature de la formation à suivre, les PCME ont les idées larges. 34 % ont des velléités politiques et visent l’INSP (ex-ENA), l’EHESP, Sciences Po ou un équivalent. 26 % se tournent vers la médiation. Plus étonnant (et signe du malaise ?), 17 % des PCME tablent sur une nouvelle formation médicale ou pharmaceutique quand 17 % envisagent de reprendre leurs études par une formation diplomante.
* Enquête du 14 juin au 3 juillet 2024 par questionnaire Google forms adressée aux PCME et PCMG par les présidents de conférences, exploitation des réponses de 262 PCME en exercice (216 CH, 17 CHU, 29 CHS)
Padhue : Yannick Neuder promet de transformer les EVC en deux temps
À Niort, l’hôpital soigne aussi les maux de la planète
Embolie aux urgences psychiatriques : et maintenant, que fait-on ?
« Les Flying Doctors », solution de haut-vol pour l’accès aux soins en Bourgogne