La volonté politique de développer la médecine ambulatoire n’a jamais été aussi importante : les premières mesures du plan Ma Santé 2022 votées dans la LFSS pour 2019 et le rapport Aubert, remis fin janvier, prévoient un nouveau mode de financement pour le système hospitalier, applicable à certaines maladies chroniques (en rupture avec la tarification à l’activité), ainsi qu’une évolution intégrant une valorisation de la pertinence des soins.
Dans le contexte de cette réforme majeure, notre expérience d’acteurs de santé régionaux est un témoignage concret sur les conditions de réussite d’une prise en charge « hors les murs » de l’hôpital au plus près des patients, de leur famille, de leur domicile par les professionnels de terrain.
L’ampleur et la diversité de cette démarche (42 projets de médecine ambulatoire analysés, dans 7 régions) ont permis d’identifier, au-delà des réformes indispensables, les questions fondamentales associées qui devront être abordées pour réellement créer les synergies espérées entre les professionnels de santé en ville et à l’hôpital, ceux du secteur médico-social et bien sûr, les patients eux-mêmes, afin de décloisonner l’organisation des soins. Des initiatives spontanées qui se traduisent par des économies pour l’assurance maladie mais se heurtent à l’absence d’incitations financières et de gouvernance partagée entre la ville et l’hôpital.
L’étude des 42 projets sur le thème de l’ambulatoire montre que leur généralisation se heurte tout d’abord à l’absence de financements dédiés, même si l’analyse des coûts pour chaque famille de projets a montré qu’ils généraient tous des économies pour le système de santé en évitant des hospitalisations coûteuses, une mauvaise utilisation de médicaments onéreux ou des consultations aux urgences inutiles (entre 100 € et 50 000 € par patient selon les projets).
Bien que ces économies soient manifestes, les règles de tarification et l’absence de redistribution équilibrée et équitable des économies générées limitent la réelle émergence de ces initiatives. Au-delà du financement, d’autres obstacles existent et sont souvent liés aux insuffisances de la communication et de la coordination entre les acteurs.
Quatre problématiques à résoudre derrière les chantiers annoncés
Si certaines mesures du plan « Ma Santé 2022 » devraient permettre de lever certains de ces obstacles, nous avons pu identifier quatre problématiques encore peu évoquées dans les réflexions actuelles.
- La définition des parcours complexes : les incitations financières qui seront ciblées en 2019 sur des pathologies chroniques dont la prise en charge hospitalière est déjà mature et stable (diabète et insuffisance rénale chronique) risquent d’être plus difficiles à mettre en œuvre pour les prises en charge complexes dont la définition consensuelle est moins facile à obtenir car plus évolutives (cancer, par exemple). Il faudra réfléchir collectivement, en impliquant les représentants de patients, aux modalités de définition des parcours non standardisés.
- La coordination : Au-delà des assistants médicaux pour les cabinets libéraux de groupe ou les maisons médicales, annoncés parmi les réformes, c’est la possibilité de disposer de professionnels dédiés à la régulation et la coordination des parcours entre la ville et l’hôpital (appels des patients, lien avec le médecin traitant et les autres professionnels de santé…) qui sera clé pour le développement de la médecine ambulatoire.
- La répartition des financements : la question de la répartition du financement entre les acteurs – alors même qu’elle deviendra centrale quand la logique du forfait s’ouvrira aux acteurs de la médecine de ville — n’est pas abordée dans les réflexions actuelles et devra pourtant faire l’objet d’un chantier à part entière.
- La liberté d'action : Si la création de 1 000 CPTS (communauté professionnelle de territoire de santé) constitue une première étape pour faire évoluer l’exercice libéral vers un exercice plus collectif et collaboratif avec des interlocuteurs mieux identifiés pour communiquer avec les structures hospitalières, c’est la définition d’un cadre réglementaire laissant une liberté d’action aux équipes locales qui permettra vraiment d’atteindre le décloisonnement.
La richesse et la diversité des initiatives spontanées de coordination de professionnels de santé sur un territoire donné pour une pathologie ou une population définie, attestent de la maturité de la réflexion des équipes médicales et soignantes. Les acteurs de terrain sont prêts mais ils attendent d’avoir la latitude et les moyens de construire des solutions concertées et appropriées à leur territoire sur les quatre questions évoquées pour aborder sereinement la ligne droite d’une médecine ambulatoire pertinente et de qualité.
*120 acteurs ont été mobilisés entre octobre 2017 et mars 2018 à l’initiative de Médiation Conseil Santé, avec le soutien institutionnel de Celgene, sous l’égide d’un comité d’experts composé de : E. Couty (médiateur national sur les conditions de travail des professionnels de santé), G. de Pouvourville (titulaire Chaire ESSEC Santé), M. Sorrentino (directrice CH), P. Paubel (Faculté de pharmacie Paris), M. Combier (ex président de l’UNOF), J. Sibilia (président de la conférence des doyens de médecine), M. Calmon (vice-président FNEHAD), N. Portolan (CRLCC Bergonié) et Y. Noel (DG Santé cité).
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