C'est une manière de tenter de désamorcer les critiques.
« J’étais en charge, non pas d’une loi, mais d’une réforme » qui « n’a pas attendu un texte pour exister », a minimisé Brigitte Bourguignon, ministre déléguée à l’Autonomie, lors des assises nationales des Ehpad, la semaine dernière. Le Premier ministre venait d'annoncer l'abandon de fait du projet de loi « Grand âge et Autonomie » en promettant, à la place, des dispositions encore floues dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).
Il s'agira de mesures « fortes et tangibles » pour renforcer les services à domicile mais aussi venir en aide aux établissements afin de « les rendre moins isolés sur leur territoire » et en faire « des centres d’appui des services d’aide à domicile », a assuré la ministre. Quant au pilotage des politiques publiques, il consistera à lutter « contre la segmentation de l’offre et des parcours des personnes en donnant aux départements un rôle primordial dans le virage domiciliaire », a-t-elle ajouté.
Pas une bonne nouvelle
Contacté par « Le Quotidien », le Dr Gaël Durel, président de l'Association nationale des médecins coordonnateurs et du secteur médico-social (MCOOR) affiche sa déception. « Ce report n’est pas une bonne nouvelle. C’était censé être une loi ambitieuse, et là, on nous parle de moyens qui seraient accordés dans le prochain PLFSS… » Et de citer le rapport Jeandel-Guérin sur l'amélioration des soins en Ehpad et en unités de soins de longue durée (USLD). Remis en juin à la ministre, il prévoyait « une réforme ambitieuse » : transformation des USLD, réorganisation des Ehpad en plusieurs unités, nouvelle gouvernance des établissements, généralisation du tarif global… Qu'en restera-t-il ?
Pour les acteurs du secteur, le quinquennat en cours a certes permis des avancées indéniables dont la création d’une cinquième branche de la Sécu dédiée à l’autonomie ou l’extension des accords du Ségur aux salariés des Ehpad (dont la revalorisation nette de 183 euros net mensuels). Et à partir du 1er octobre, 209 000 personnels des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) et des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) bénéficieront de hausses de salaires, de l'ordre de 13 à 15 %.
Mais la question cruciale du financement reste en jachère. « À un moment, il va falloir se mettre d’accord. Qui finance ? Les actifs, les retraités, les salariés, les entreprises ? » a lancé lors des assises Caroline Janvier, députée LREM et rapporteure pour le volet autonomie du PLFSS. Pour l'heure, elle plaide pour un tarif global en Ehpad, un tarif socle pour le domicile et une réforme de la gouvernance.
Injonctions paradoxales
Le conseiller stratégique de la Fédération hospitalière de France (FHF), Marc Bourquin, est lui-aussi un défenseur du tarif global qui permet notamment « d’organiser la prise en charge en intégrant notamment les prestations du médecin traitant et des paramédicaux (libéraux, Ndlr) ». Aujourd’hui expérimenté par 20 % des EHPAD, il aurait montré durant la crise sanitaire son « évidence » en termes de qualité de la prise en charge et sur le plan économique. Selon ce même expert, les établissements qui l’expérimentent ont connu 30 % d’épisodes critiques en moins. Mais, à ce stade, la réponse des pouvoirs publics reste paradoxale. « Chaque année, on met 10 ou 20 millions d’euros pour entrouvrir la porte du tarif global. Et dans le même temps, on décide chaque année de geler leurs tarifs », se désole le représentant de la FHF.
Plusieurs acteurs du secteur militent surtout pour un vaste plan de recrutements à long terme dont le PLFSS 2022 pourrait donner l'impulsion. Selon Marc Bourquin (FHF), un objectif de 20 000 emplois par an durant cinq ans pourrait « casser le cercle vicieux ». Un vœu partagé par Annabelle Vêques, directrice de la FNADEPA (association de directeurs d'établissements), qui a rappelé lors des assises la pénurie de personnel et le manque d'attractivité des métiers du grand âge.
Le PLFSS apportera-t-il une réponse aux attentes ? « Il va nous donner des crédits pour recruter, veut croire Annabelle Vêques. Mais est-ce que cela fera venir les professionnels chez nous ? Malheureusement, non, cela ne va pas être la solution ». Elle continue d'exiger un plan d’attractivité et une loi à la hauteur des besoins. « Un PLFSS, ce sont d’abord des mesures budgétaires. Or, on a besoin d'argent mais aussi de bras, de travailler sur la gouvernance, l’aide sociale, les autorisations. » Autant d'enjeux auxquels il semble impossible de répondre au travers d'un budget de la Sécu.
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