Le nouveau CH de Carcassonne (Aude) a célébré ses dix ans en 2024. Même si son activité augmente, cet établissement pourtant bien implanté sur son territoire (364 lits, 29 places MCO, 1 934 ETP dont 175 ETP médicaux, 210 millions d’euros de budget) est « directement impacté par la pénurie médicale », conduisant à une fuite problématique de patients vers une offre alternative. C’est l’enseignement principal de la chambre régionale des comptes d’Occitanie, dans un rapport publié fin juin, qui a contrôlé la période 2019-2024.
Certaines spécialités majeures comme la chirurgie ophtalmologique et l’urologie « ne peuvent être prises en charge par le public ». En conséquence, les patients se tournent vers le secteur privé, à la polyclinique Montréal, ou vont en Haute-Garonne au CHU de Toulouse, situé à 85 km de Carcassonne. « Dans certains cas, les populations peuvent parfois renoncer aux soins, principalement les populations les plus vulnérables », souligne la chambre régionale des comptes, ajoutant que l’établissement dispose d’un potentiel en chirurgie « qu’il conviendra de développer ».
La radiologie, spécialité critique
Indice de la gravité de la situation RH, aussi bien dans le recrutement que dans la fidélisation des équipes, l’établissement a identifié pas moins de dix spécialités en tension pour son personnel médical. Fin 2024, l’écart entre le nombre d’ETP théoriques et le nombre d’ETP travaillés affichait un déficit supérieur à 30 % par rapport à l’effectif cible.
L’écart a atteint 71 % pour « la spécialité la plus critique », celle de radiologue. Dans ce domaine, alors que la cible était fixée à 9 ETP, seuls 2,6 postes étaient pourvus. L’établissement considère ainsi « le risque pesant sur le fonctionnement des services comme majeur » pour la radiologie, la gériatrie, la médecine polyvalente et la dermatologie. Il le jugeait fort pour la cardiologie, l’hépato-gastro-entérologie, la pneumologie, l’anesthésie et l’ORL, et moyen pour la pédiatrie. Concernant cette fois le personnel soignant non médical, quatre spécialités sont identifiées en tension : manipulateur en électroradiologie médicale, infirmier de bloc opératoire (Ibode), masseur-kinésithérapeute et orthophoniste.
Pour résumer, de nombreuses spécialités « apparaissent en tension, parfois critique comme la radiologie. Le bloc opératoire et la radiologie cumulent une pénurie de médecins, de chirurgiens et de personnel soignant, accentuant leur vulnérabilité », peut-on lire dans le rapport. La Cour précise que cet établissement affiche une volonté de respecter la réglementation, que ce soit en matière de gestion du temps de travail ou de recrutement, notamment médical (respect des plafonds réglementaires des praticiens contractuels en particulier).
18,2 % de consultations externes non honorées !
Conséquence de cette pénurie à presque tous les étages, un allongement conséquent des délais de consultation, en 2023, hors créneaux dédiés aux consultations en urgence. Ils sont « globalement longs, même pour des spécialités qui n’ont pas été identifiées comme en tension », à l’exception de la médecine polyvalente (15 jours), commentent les inspecteurs.
Ces délais atteignaient entre six et huit mois en neurologie, sept à huit mois en cardiologie, deux mois en gériatrie, six mois en pneumologie, huit mois en rhumatologie, et quatre à six mois en endocrinologie. Dans ce contexte de délais interminables, la Cour constate que le CH est particulièrement exposé au fléau des « lapins » : 18,2 % des consultations externes n’avaient pas été honorées en 2023, soit 16 700 rendez-vous perdus. « Ce phénomène s’explique notamment par les délais d’attente qui poussent certains patients à prendre un rendez-vous plus tôt dans une autre structure, sans annuler celui initialement prévu. Ce constat doit inciter l’établissement à sensibiliser davantage les patients à l’importance d’annuler les rendez-vous qu’ils n’honoreront pas, afin de libérer ces créneaux pour d’autres patients », plaide la Cour. Pour réduire le nombre de « lapins », la direction du CH a exprimé son intention de mettre en place un dispositif simplifié d’annulation.
Fuite des patients et départs de médecins
Ce contexte de raréfaction médicale pénalise le CH : en 2023, 50 679 séjours de patients relevant de la zone de l’hôpital ont été pris en charge par une autre structure que le CH de Carcassonne. Cette fuite de patientèle « s’est concentrée vers le secteur privé de Carcassonne et dans une moindre mesure vers le CHU de Toulouse ».
Mais la contrainte en ressource humaine aboutit aussi aux départs de praticiens. Le service de médecine gériatrique a été très fragilisé en raison des départs successifs de gériatres, dont deux à la polyclinique. Faute de candidature, l’établissement s’est tourné vers des recrutements de praticiens associés et a engagé des démarches auprès d’un interne et du responsable du DES de gériatrie à Toulouse. L’établissement a précisé ne pas être le seul à subir ce manque de gériatres « en raison d’un nombre d’internes trop faible et de structures libérales plus attractives tant en termes de rémunérations que d’organisation du travail avec une semaine de quatre jours ».
Renforcer les liens avec la ville
La Cour recommande le renforcement des liens avec la médecine de ville « afin de créer un parcours de soins coordonné avec l’hôpital public, pour limiter la fuite des patients », à la faveur du développement des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). « Pendant la crise du COVID, l’établissement a démontré l’existence de liens de proximité qui ont permis une meilleure information, une coordination renforcée et des actions conjointes dans la gestion de la pandémie », salue la chambre régionale.
Dans son projet d’établissement 2022-2027, le CH de Carcassonne envisage à moyen terme la création d’un centre de soins immédiats sur le site de l’hôpital, proposant des consultations de médecine générale avec des créneaux réservés aux professionnels libéraux. La participation des CPTS à la CME, des actions de communication fléchées vers les libéraux via des outils numériques, des newsletters ou des numéros dédiés à ces praticiens sont aussi dans les tuyaux.
La Cour met en avant plusieurs recommandations concernant à la fois l’offre de soins et l’organisation : la possibilité d’ouverture d’une « unité de soins médicaux et de réadaptation » dans l’établissement ; le déploiement de l’activité de chirurgie ambulatoire ; s’agissant des capacités en télé-imagerie, la nécessité de rééquilibrer les vacations des appareils situés dans les locaux du CH de Carcassonne en collaboration avec le groupement d’intérêt économique « imagerie médicale de l’ouest audois »; enfin, à échéance 2025, l’élaboration d’un nouveau projet médical et projet de soins partagés, en collaboration avec les CH de Castelnaudary et de Limoux-Quillan.
Antennes, filières SAS et régulation par le 15 : l’aggiornamento des urgences
Réforme des EVC : les Padhue restent sur leur faim
Régularisation des Padhue : le gouvernement tient ses promesses, voici ce qui va changer
Conflit entre la CFDT et les cliniques sur les revalorisations de salaires : coup d’envoi d’une longue procédure