Situation financière tendue, manque de professionnels (médicaux mais aussi, et de plus en plus, paramédicaux), cristallisation des tensions sociales ou sociétales… Dans un contexte de crise permanente, beaucoup d’acteurs font état d’un certain désarroi et sont de plus en plus démunis face à la gestion des patients au quotidien. On a parfois le sentiment qu’à mesure que le système de santé́ gagne en performance au point de vue économique, financier et gestionnaire, il perd en performance en termes d’humanité et, génère des inégalités d’accès aux soins et à la santé et potentiellement des contradictions avec les valeurs des professionnels…
Face à ce constat, il est primordial d’aller au-delà de mesures d’urgence pour ne pas perdre notre humanité en route. Il faut pour cela, remettre les choses dans l’ordre et redonner du sens à nos actions. Nous le savons, chaque acteur a cette problématique à cœur car c’est tout l’enjeu de nos métiers. La Fédération Hospitalière de France (FHF) en est convaincue et, plus que jamais, ses activités sont et seront toujours éthiques. C’est pour cela, qu’elle s’est dotée depuis 2015 d’un Comité qui a consacré une grande partie de son travail en 2019 sur les manières de concilier éthique et performance en matière de santé[r(1] . Ce Comité vise à faire réagir l’ensemble des acteurs du système autour de grandes problématiques : qu’est-ce qu’un système de santé performant ? Qu’est-ce qu’un acteur de santé performant ? Qu’est-ce qu’un "malade performant" ? Et, qu’est-ce qu’une politique de santé performante ?
Une conséquence paradoxale du progrès
Une des conséquences paradoxales du progrès est qu’il engendre une perte de performance du système de santé lorsqu’il s’agit d’accompagner des situations complexes, singulières qu’il contribue lui-même à générer. Ainsi en est-il de l’insuffisance d’accompagnement des personnes atteintes de maladies chronicisées, de celles qui vivent avec des pathologies graves, évoluées ou des séquelles handicapantes ; ainsi en est-il de la possibilité de vieillir avec plusieurs maladies synchrones associées à une perte de l’indépendance ou de l’autonomie. L’organisation même du système de santé s’avère souvent inadaptée à ces nouvelles figures de la vie. De ce fait, le système hospitalier, organisé selon les spécialités médicales ou chirurgicales d’organe est totalement inadapté aux situations de poly-pathologies, aux questions de perte d’indépendance ou d’autonomie.
La performance est ce qui conduit la personne malade à se sentir écoutée, entendue, comprise, reconnue en tant que sujet et respectée dans sa vulnérabilité, dans ses limites. La performance est ce qui n’impose pas mais permet au malade, s’il le souhaite et s’il le peut, d’être l’acteur de sa santé.
Un acteur de santé performant est un acteur qui se forme, actualise ses connaissances et acquiert des compétences tout au long de sa vie.
Un acteur de santé performant est enfin un acteur bien portant, bienveillant, appréciant son travail, lui trouvant un sens et le réalisant avec satisfaction, se sachant respecté et écouté, considéré comme un sujet et non comme un objet de régulation ou une ressource de production.
Le rapport au temps est primordial pour redéfinir la performance du système de santé. L’actualité le montre, aujourd’hui, le temps des soignants a tendance à̀ ne plus croiser celui des malades. Il faudra demain que ces temps se rencontrent à nouveau
Une politique de santé véritablement performante est juste, elle décide de priorités claires et clairement énoncées ; elle permet l’accès aux soins et à la santé pour tous, et assure respect et soutien aux plus vulnérables ; enfin, elle évalue l’impact de son action.
Trouver un équilibre
Entre performance technique et performance humaine, notre système de santé doit donc se transformer pour trouver un équilibre plus respectueux des personnes.
Pour que l’éthique soutienne l’action des professionnels du soin et des décideurs, voici quelques grandes pistes d’actions proposées :
Un système de santé performant est enfin un système adaptable aux évolutions des besoins en matière de santé, aux évolutions de l’offre (en professionnels et en organisations), et aux évolutions des moyens (techniques aussi bien qu’économiques et budgétaires par exemple) et qui, grâce à cette adaptation, maintient un accès à la santé et à des soins de qualité pour tous.
Un management humain (ce terme est préférable à celui de « gestion des ressources humaines ») performant est un management respectueux des personnes. Le bon « manager », c’est celui qui permet de donner du sens (aussi bien en termes de direction que de signification) à des actions coordonnées dans une visée du soin juste (aussi bien en termes de justice que de justesse) ; il valorise les qualités et les potentiels des personnes, des équipes et des structures plutôt que d’insister sur les limites des personnes, les résultats médico-économiques et financiers des équipes ; il est un outil de performance lorsqu’il valorise les différences et les considère comme des richesses dans une dynamique du groupe, lorsqu’elle promeut la confiance plus que la méfiance, lorsqu’il est bien-traitant, qu’il sait responsabiliser, déléguer.
Productivisme vs pertinence du soin
Les outils de régulation financière comme la tarification à l’activité ou à l’acte sont probablement nécessaires mais ils ne sont pas suffisants. Ils peuvent être de nature à privilégier un certain productivisme médical au détriment de la pertinence, du bon usage et du juste soin. Considérer la communication avec la personne malade d’une part et la réflexion éthique comme des actes essentiels en amont de toute décision médicale en situation complexe et valoriser ces actes serait probablement se doter d’un outil de performance humaine essentiel.
La formation des acteurs de la santé est un élément majeur de la performance future. Apprendre à informer la personne malade, à l’aider à cheminer devient essentiel. Nous savons maintenant que l’engagement du patient dans la gestion de sa maladie ou de son handicap passe par la capacité (et la volonté) des professionnels à en faire un partenaire de ses soins pour lui donner plus d’autonomie et de but recherché ; apprendre à travailler avec les proches qui, dans le contexte décrit plus avant, sont et deviendront plus encore demain des partenaires nécessaires pour le soin et la santé ; apprendre à travailler et à débattre en équipe va être central, en situation d’incertitude, pour tenter de trouver des réponses les plus justes dans les situations complexes.
Des comités d’éthique territoriaux doivent naître des comités éthiques des établissements, pour qu’ils soient mobiles, plus proches des questions que se posent les professionnels de santé, et dans une logique d’éthique des parcours de santé.
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