« DANS MON ÉQUIPE de 8 praticiens, je compte un seul homme. La relève est assurée par trois internes filles. Je dirais presque qu’il faudrait rétablir la parité à l’envers ! », constate Rachel Bocher, psychiatre des hôpitaux et présidente de l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH). La féminisation de la profession est en effet désormais acquise. « En tant que praticiennes, notre place est tout à fait établie, nous avons les mêmes salaires et responsabilités que les hommes », précise Rachel Bocher. Même état d’esprit chez la jeune génération. « Nous sommes davantage de femmes dans ma promotion, et hommes comme femmes, nous avons généralement la même vision du métier, des contraintes, des enjeux », témoigne Agnès Peltier, 27 ans, interne en 5e semestre au CHU de Lille.
Si la vision est désormais la même, elle a profondément évolué avec ce mouvement de féminisation, qui a apporté de nouvelles exigences. À commencer par l’exercice regroupé. « Lorsque j’ai commencé la permanence des soins à la fin des années 1980, nous étions trois médecins, dans un milieu essentiellement masculin. Aujourd’hui, nous sommes 23, beaucoup de femmes sont arrivées avec le développement de l’exercice regroupé, qui permet la souplesse du temps de travail », explique Guilaine Kieffer, généraliste libérale SOS médecin à Strasbourg.
Les horaires sont en effet un autre aspect auquel les femmes ont sensibilisé la profession. « Je souhaite avoir la possibilité de partir en vacances, de ménager des temps pour souffler, et de ne pas gaspiller des heures entières dans l’administratif », souligne Agnès Peltier, qui ajoute : « Les hommes veulent également des enfants sans risquer le burnout. » Ce que confirme Rachel Bocher : « Aujourd’hui, les pères prennent également le mercredi pour s’occuper de leur famille, ce qui n’était pas le cas avant. La jeune génération sait faire respecter ses horaires. » Le cadre d’exercice est enfin devenu un critère important. « Je suis consciente de notre responsabilité face au problème de la démographie médicale mais je serai attentive lors de mon installation à la présence de garderies, d’écoles, ou d’infrastructures culturelles », confie Agnès Peltier.
Les libérales sur leurs gardes.
La question de la parité est-elle donc dépassée ? Pas pour toutes les femmes. Notamment pour les libérales, qui continuent à se battre au sujet des congés maternité et de la retraite. « Nous avons obtenu le minimum », affirme Nicole Bez, chargée de mission Femmes médecins à MG France. « Nous avons obtenu l’alignement du congé maternité des libérales sur les salariées, mais le montant des indemnités reste trop faible pour assumer les charges du cabinet. Les femmes avec une grossesse pathologique n’ont toujours rien avant le 91e jour quand elles n’ont pas d’assurance complémentaire, et quant à la retraite, nos trimestres travaillés, cotisés, mais avec une réduction d’activité ne sont toujours pas validés par la CARMF. » Agnès Peltier, qui va se lancer après son internat dans le remplacement, en a déjà conscience. « Les remplaçants n’ont aucune protection, je vais prendre une prévoyance. »
Autre domaine où la parité reste à affirmer, celui de la représentativité et des postes à haute responsabilité, où véritablement le bât blesse. « Je suis une des seules femmes chefs de pôle, souligne Rachel Bocher, les présidents de CME, les cadres administratifs sont encore très souvent des hommes. » Selon un sondage de la Fédération de l’hospitalisation privée médecine chirurgie obstétrique (FHP-MCO), moins de 30 % des chefs d’établissements sont des femmes. Si elles occupent les postes de cadre de soins et de la qualité à hauteur de 91 % et 83 %, les hommes restent très majoritaires (à 91 %) à la tête des CME. Même constat au Conseil de l’Ordre ou dans les syndicats, même si les choses changent, en particulier au SML et à MG France. « Ce n’est pas que ces postes leur sont interdits, si elles le voulaient, elles pourraient devenir doyen ! Mais elles sont plus pragmatiques, moins politiques, et privilégient les tâches de soins à la recherche du pouvoir pour le pouvoir », explique Rachel Bocher. « Elles craignent le cumul, avance Guilaine Kieffer, du SML, or les hommes ne disent jamais qu’ils "ont peur de ne pas y arriver" ». « La médecine n’échappe pas à tous les conservatismes de la société », conclut Nicole Bez.
* Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (ministères sanitaires et sociaux).
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