Quel impact un temps de travail allongé aux urgences peut-il avoir sur les médecins et sur les patients ? Et travailler avec des plages de 24 heures d’affilée peut-il avoir un effet délétère ? « La première chose qu’on peut rappeler, c’est l’impact du travail de nuit. On sait que les urgentistes ont plus de troubles du sommeil, plus de maladies cardio-vasculaires et un risque d’accidents de la route multiplié par deux en sortie de garde », indique le Dr Anne-Laure Philippon, urgentiste à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. « Aux États-Unis, le fait d’avoir des horaires décalés, avec une alternance de travail de jour et de nuit, est la première cause d’abandon de la médecine d’urgence parmi les médecins qui font ce choix d’arrêter », ajoute-elle.
Selon le Dr Philippon, il existe peu d’études sur l’impact d’un travail sur une plage de 24 heures versus une plage de 12 ou 14 heures. « On peut quand même citer une étude faite à Marseille à l’initiative du Dr Nicolas Persico et parue en 2017 dans the Annals of Emergency Médicine. Ce travail met en évidence un certain nombre d’effets résultant d’un travail de 24 heures versus une garde de 14 heures : un plus grand nombre de troubles de la cognition, de la mémoire du travail, de la vitesse d’analyse d’une activité multi-tâches ainsi que des troubles du diagnostic et de priorisation ».
Le Dr Philippon fait aussi référence à une étude parue en 2004 dans le New England. « Il s’agit d’une étude sur les internes de réanimation mais dont le fonctionnement par garde est assez semblable à celui des urgentistes. Ce travail est assez ancien mais il a eu un gros impact puisqu’il a notamment entraîné une modification du temps de travail des internes aux États-Unis. Il montre une augmentation de 22 % des erreurs médicales et 5 fois plus d’erreurs de diagnostic chez les internes ayant un planning chargé pouvant aller jusqu’à 24 heures d’affilée par rapport à des internes avec un planning comportant des plages horaires ne dépassant pas 14 heures ».
Pour le reste, le Dr Philippon reconnaît qu’il est difficile d’établir un lien de causalité entre ces troubles de la cognition et la performance clinique. « Mais de nombreuses études faites en simulation montrent que l’on est moins efficace notamment pour intuber les patients et pour les trier ».
Entretien avec la Dr Anne-Laure Philippon, urgentiste à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris
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