Par Paul Vara
VOILÀ PLUSIEURS SEMAINES maintenant qu’un certain nombre d’articles publiés dans « le Quotidien du Médecin » (1) font part du mécontentement d’une partie du corps médical et du Conseil de l’Ordre des médecins français face aux alternatives de formations médicales proposées par de nombreuses universités européennes et notamment roumaines.
Président de la Corporation Médecine de Cluj-Napoca, j’estime qu’il est de mon devoir de répondre aux interrogations soulevées par une partie de la communauté médicale française.
Il est un fait que l’on ne peut nier : sur les 400 étudiants français que compte l’université de Cluj-Napoca, la majorité est constituée de recalés aux concours de première année français. Certains y voient un contournement délibéré ou prémédité du numerus clausus. Mais fallait-il que les étudiants se soumettent à cette cruelle aberration qui découle de ce mode de sélection : pour quelques dixièmes voire centièmes de points, chaque année, des centaines d’élèves se voient mis au rebut.
Ici, le critère de vocation n’est hélas pas retenu ; seul fait loi l’implacable et arbitraire quota défendu par les doyens français qui, depuis des dizaines d’années, répètent les mêmes éléments de langage : ce système, par son extrême sélectivité, est le seul capable d’assurer une formation de qualité.
Nos étudiants ne sont pas des tricheurs !
Alors soit ! Nions l’injustice que vivent des milliers d’étudiants qui, victimes d’accidents, de maladies ou de drames personnels n’auront su faire face aux aléas de la vie ! Feignons d’oublier le vrai objectif du numerus clausus lors de son instauration en 1971, à savoir la diminution du nombre de médecins français afin de permettre une réduction des dépenses de Santé, alors que depuis plus de 15 ans déjà le manque de médecins dans les cabinets et dans les hôpitaux se fait cruellement sentir. Dénigrons ces étudiants français qui, honte à eux, envisagent de se former à l’étranger puisqu’ils ne sont pas dignes de réussir en France !
N’en déplaise à nos détracteurs, ces étudiants ne sont pas des tricheurs : ils ne se sont simplement pas résignés à l’injustice et à l’absurde.
De plus, il ne suffit pas de vouloir poursuivre ses études hors de France, après un échec ou directement après le baccalauréat, pour voir ce souhait se réaliser : il existe en Belgique ou en Roumanie une sélection rigoureuse à l’admission. Ainsi, l’université de Cluj-Napoca « a reçu environ 300 candidatures pour l’année 2011-2012 pour 95 places », comme l’a précisé dans son rapport pour le ministère de la Santé la délégation du Conseil de l’Ordre après sa visite en octobre 2011 à l’UMF Cluj, « faculté de médecine ancienne, bien structurée, [...] très correctement équipée sur le plan pédagogique ».
Nous sommes donc loin du cliché qui prétend qu’en Roumanie, tout étudiant postulant est accepté : la sélection est réelle même si elle est différente de celle mise en place en France. En outre, on constate qu’à Cluj la promotion des troisièmes années est composée de 76 élèves alors qu’elle était de 95 élèves en première année ; on comprend qu’ici, l’écrémage (redoublement ou éviction) s’effectue au fil des ans, et non uniquement en première année.
Je m’indigne à la lecture des propos du Pr Dominique Perrotin, président de la Conférence des doyens en médecine, qui prétend que l’« on peut désormais acheter sa formation à l’étranger ».
Combien d’écoles françaises, d’ingénieur, de commerce, de kinésithérapie, nécessitent un investissement financier au moins aussi important que l’exige la faculté de Cluj (et souvent sur trois ans seulement) sans que leur crédibilité et leur niveau d’excellence soit remis en cause : les étudiants fréquentant les bancs de ces écoles ne sauraient être assimilés à des faussaires.
Le modèle anglo-saxon.
La Roumanie s’inspire du système anglo-saxon où le coût des études est essentiellement à la charge de l’étudiant. Ce choix peut être discuté mais il ne peut en aucun cas servir de prétexte pour discréditer le cursus universitaire roumain.
Enfin, osons le dire, nous savons que des milliers de médecins titulaires pour certains de diplômes européens mais pour la majorité de diplômes délivrés (sans garantie) hors Europe géographique se voient offrir la possibilité de s’inscrire au tableau de l’Ordre, et y compris dans des spécialités majeures, sur un simple examen de maîtrise de la langue française ; n’y a-t-il pas là matière à s’interroger et à s’étonner alors que les étudiants français expatriés se soumettront à l’ECN (ce qui n’est que justice et équité !).
Ici à Cluj nous ne souffrons pas de psychose obsidionale ; nous sommes pleinement dans la réalité dont un des principes nous fait admettre la nécessité pour l’État français de contrôler au mieux le flux des étudiants expatriés souhaitant passer l’Examen classant national. Nous attendons d’ailleurs avec impatience et confiance cette évaluation.
Nous avons saisi une opportunité que nous offrait la Roumanie, pays européen, et nous remercions la faculté de médecine de Cluj-Napoca de nous avoir accueillis.
(1) Il s’agit en particulier de deux articles publiés le 4 mars 2013 (« Filière roumaine, formations douteuses ») et le 25 février 2012 (« Les pouvoirs publics impuissants à endiguer le contournement du Numerus Clausus »).
Les MSU, acteurs clés de l’encadrement des docteurs juniors
« L’accès au secteur 2 pour tous, meilleur moyen de préserver la convention », juge la nouvelle présidente de Jeunes Médecins
Jeu concours
Internes et jeunes généralistes, gagnez votre place pour le congrès CMGF 2025 et un abonnement au Quotidien !
« Non à une réforme bâclée » : grève des internes le 29 janvier contre la 4e année de médecine générale