LE QUOTIDIEN - Considérez-vous que la première année commune aux études de santé (PACES) mise en place par Valérie Pécresse a échoué à limiter le gâchis humain et à réorienter les recalés ?
GENEVIÈVE FIORASO - La première année commune des études de santé qui regroupe les formations médicales (médecine, odontologie, et maïeutique) et pharmaceutique a amélioré mais n’a pas réglé le problème du gâchis provoqué par les échecs de la PACES.
Aujourd’hui encore, trop d’étudiants échouent en fin de première année commune des études de santé (15 à 20 % des étudiants seulement sont admis à poursuivre). Il revient aux établissements de formation de proposer une véritable réorientation personnalisée aux étudiants qui ont échoué, et qui vivent douloureusement cet échec car il s’agit d’une vocation contrariée. Afin d’accompagner au mieux l’étudiant, les réorientations proposées ne doivent pas être un choix par défaut mais correspondre à un projet personnel. Il est important que nous réfléchissions au moyen de faire que cette première année ne soit pas inutile pour ceux qui ne s’engageront pas dans des études de santé car leur classement ne permet pas de passer le numerus clausus. Il est par conséquent nécessaire de leur proposer une alternative en développant des passerelles vers d’autres filières, d’autres métiers. Les universités devront, pour cela, mettre en place un véritable service d’orientation pour ces étudiants.
Le projet de loi d’orientation de l’Enseignement supérieur prévoit de réformer les études de santé. Les étudiants redoutent la mise en place d’une sélection au tout début du cursus. Qu’en sera-t-il exactement ?
Le projet de loi d’orientation de l’Enseignement supérieur prévoit de mettre en place une expérimentation, sur certains sites. Cette expérimentation se déroulera sur 6 ans. Elle pourrait proposer de réorienter une partie des étudiants après des épreuves se déroulant au plus tôt huit à dix semaines après le début de la première année. Il n’est donc pas envisagé de sélection à l’entrée de la première année commune des études de santé. Cette expérimentation prévoit une réorientation à l’issue d’épreuves portant sur la première partie des enseignements de l’année universitaire en cours. Les universités devront permettre cette réorientation au sein de leur établissement. Il s’agit de permettre à l’étudiant, sans perdre une année, de commencer un nouveau cursus.
Le président de la conférence des présidents d’université (CPU), le Pr Jean-Loup Salzmann, a déclaré qu’il fallait mettre fin au « concours stupide » de première année. Partagez-vous cet avis ?
Le numerus clausus correspond, certes aux besoins sanitaires dont la France a besoin, mais aussi à la capacité d’accueil en formation des étudiants afin d’assurer un enseignement de qualité. Nous allons, à travers l’expérimentation, permettre à un nombre limité et restreint d’étudiants, d’entrer en deuxième ou troisième année des études médicales après une à trois années d’un premier cycle universitaire adapté.
D’autre part, après 8 à 10 semaines de PACES, l’étudiant aura la liberté de poursuivre sa PACES ou bien, en fonction de son classement, le choix de continuer dans une licence adaptée. Les modalités de ces passerelles font l’objet d’expérimentations qui seront discutées au niveau des universités et qui devront ensuite être acceptées par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche avant d’êtres mises en œuvre.
Les professions de santé s’opposent au centre de formation privé Fernando Pessoa à Toulon qui propose des formations en odontologie, pharmacie, orthophonie, physiothérapie….Les diplômes de ce centre sont-ils oui ou non valables dans toute l’Union européenne ?
Sur ce cas, j’ai souhaité réagir très rapidement. Que ce soit pour Toulon ou pour Béziers où un autre projet d’installation d’une antenne de l’Université Fernando Pessoa était prévu, une plainte a été déposée, à ma demande par les recteurs des Académies concernées, auprès du Procureur de la République. Mon souci était à la fois le respect des procédures de demande d’ouverture de formation, indispensable pour les formations de santé (contenus pédagogiques, nombre d’heures de cours, CV des intervenants…) mais aussi et surtout la protection de l’intérêt des étudiants, désorientés après un échec en première année de santé, qui se voient proposer des formations onéreuses et non habilitées.
Les motifs de plainte portent à la fois sur l’usage abusif du titre d’université, sur le non-respect des déclarations préalables à la création d’établissement d’enseignement privé mais aussi sur des faits pouvant relever de tromperie voire d’escroquerie. Car même le Secrétariat d’État à l’Enseignement supérieur portugais, a précisé que « l’Université Fernando Pessoa, même dans le cas de diplômes qu’elle octroie et qui sont reconnus au Portugal, n’a pas la compétence pour délivrer des diplômes portugais en France ». Je laisse aux magistrats, dont c’est la compétence, le soin de qualifier l’action de cette université mais je mets en garde les familles qui pourraient être abusées par de telles pratiques qui fondent leur attractivité sur le désarroi et la déception d’étudiants ayant échoué au terme de la première année d’accès aux professions de santé.
Le gouvernement a-t-il aujourd’hui les moyens de s’opposer à l’implantation d’instituts de formation privés en santé sur le territoire français ?
La liberté d’enseignement s’exerce sur l’ensemble de notre territoire, avec certaines limites cependant. Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, en lien avec les rectorats, vérifie que la réglementation est correctement appliquée.
Mais encore une fois, dans le cas de l’Université Fernando Pessoa, il est de ma responsabilité de ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche d’agir, à l’instar de ce qu’a fait mon collègue, le ministre Francesco Profumo, en Italie.
Avez-vous été informée de l’ouverture prochaine d’autres structures étrangères en France dans le domaine de la santé ?
Non mais nous restons très attentifs et vigilants pour garantir aux étudiants des formations de qualité, et leur éviter de s’inscrire dans des formations onéreuses qui ne correspondraient pas aux critères nationaux et européens de l’Enseignement supérieur.
Doyens et responsables universitaires redoutent la dérégulation de la formation en santé en France. Dans ces conditions, le numerus clausus a-t-il encore un sens ?
Le numerus clausus correspond aujourd’hui d’une part aux besoins sanitaires de notre pays et d’autre part aux capacités d’accueil et d’enseignement dans le domaine de la santé. Il est donc nécessaire afin d’être en capacité de proposer aux étudiants qui entrent en deuxième année d’études médicales, odontologiques, pharmaceutiques ou de maïeutique, un enseignement de qualité, et d’avoir des perspectives d’emploi appropriée.
Une réflexion permanente et constante est nécessaire pour adapter le numerus clausus et l’avenir nous conduira à le faire évoluer, en le stabilisant pour certaines professions (audioprothèses, ergothérapie par exemple) ou en l’augmentant (notamment pour certaines spécialités médicales actuellement déficitaires). Ceci se fait et se fera en concertation avec ma collègue, ministre de la Santé. Par ailleurs l’évolution de la télémédecine, de la e-santé, du maintien à domicile pourra également modifier les missions et compétences des professionnels de santé, avec un impact sur le numerus clausus. C’est le sens de la réflexion prospective que je veux mener avec Marisol Touraine, en concertation avec les acteurs concernés : universitaires, praticiens, étudiants…
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