Aux États-Unis, comme en France, l’incidence du burn-out chez les médecins en activité est particulièrement élevée : le taux varie selon le lieu d’exercice et les spécialités mais, dans notre pays, la moitié des médecins généralistes et les trois-quarts des urgentistes seraient concernés.
Est-ce possible de prévenir le burn-out dès le début des études de médecine, en mettant en adéquation la personnalité de l’étudiant avec son choix de spécialité future ? C’est l’hypothèse qu’a formulé une équipe de médecins de la Mayo Clinic (Rochester, États-Unis) en interrogeant 4 732 jeunes médecins, une fois au cours de leur 4e année théorique et la seconde pendant leur 4e semestre d’internat.
Dans ce pays, ce sont les internes qui choisissent leur spécialité : ils adressent aux facultés de médecine du pays leurs dossiers de candidature qui prend en compte leur note à l’examen final théorique (US Medical Licensing Examination Step 1) et leurs motivations. L’affectation par spécialité et par ville est déterminée par l’analyse du dossier de candidature. Un peu comme ce qui est évoqué en France avec la fin des ECN…
Sur les 4 732 étudiants contactés initialement, seuls 3 588 ont répondu aux deux questionnaires : 775 n’ont pas donné suite une fois internes, 244 ont redoublé au moins une année, 34 ont réorienté leur carrière et 2 sont décédés.
Les spécialités les plus représentées dans le panel étaient la médecine interne (22,2 %), la pédiatrie (11,5 %), la médecine générale (8,5 %), la médecine d’urgence (8,4 %), l’anesthésie (7,1 %) et la chirurgie générale (5,5 %).
Qui est en burn-out ? Les urologues, les neurologues…
Dans le panel interrogé, 45,2 % des internes présentent au moins un signe de burn-out (épuisement émotionnel ou dépersonnalisation) et ils sont 25 % à cumuler les deux caractéristiques. Ce sont les jeunes urologues qui sont les plus à risque (68 % de burn-out), suivis des neurologues (61,8 %) et des chirurgiens généraux, urgentistes et ophtalmologistes (53 %).
À l’inverse, la pratique de la dermatologie (29,8 %), de l’anatomopathologie (34,7 %), de la radiologie (35,4 %) et de la médecine générale (37,2 %) semble protéger du stress au travail.
Les auteurs ont aussi analysé les facteurs de risque de burn-out. Ils retiennent l’origine éthique hispanique et la non-parentalité. Seul le fait d’avoir un enfant de moins 5 ans semble protéger les internes. En revanche, les notes à l’examen de fin d’étude théorique, le fait d’avoir souscrit un crédit ou un lieu de naissance hors des États-Unis ne semble pas influer.
Qui regrette son choix de spécialité ? Chirurgiens et anatomo-pathologistes
Puisque certaines spécialités semblent plus à risque de burn-out, les auteurs ont naturellement cherché à savoir si les internes regrattaient leur choix de spécialité. Et c’est le cas pour 7,1 % d’entre eux qui affirment que s’ils avaient à nouveau le choix, ils s’orienteraient autrement. Plus grave encore, 14,1 % des internes regrettent d’avoir choisi de faire des études de médecine.
Qui remet son choix en cause ? 17,7 % des internes en chirurgie générale, 12,2 % de ceux en anatomopathologie et 10,8 % des internes en médecine interne. Qui est heureux dans sa spécialité ? Les internes de neurochirurgie (0 % de regrets), de dermatologie (1,4 %), de médecine d’urgence ou de chirurgie orthopédique (3,3 %) semblent les plus épanouis.
Les plus à risque de burn-out ? Les plus aisés et les minorités
Les auteurs expliquent que si certaines spécialités sont plus à risque dans tout le pays, c’est en raison de spécificités propres à la formation (heures de présence, travail physique au bloc opératoire, levés très précoce, garde de nuit et de week-end…). La présence de formateurs en burn-out est elle aussi un facteur de déstabilisation des jeunes internes. Pour autant – comme c’est le cas en médecine d’urgence par exemple – si les aînés, même en burn-out, ne regrettent pas leur choix, les internes les suivent dans la même voie.
Parmi les facteurs de risque, l’origine ethnique est mise en avant par l’équipe du Dr Liselotte Dysbye. Ainsi, si 66,3 % des étudiants sont caucasiens, 4 % Noirs, 12,5 % originaires d’Asie de l’Est, 8,6 % de l’Asie du Sud et 0,3 % d’Amérique Centrale ou du Sud, ce sont ces derniers qui semblent les moins heureux dans leurs spécialités et qui souffrent de burn-out. Pourquoi ? Parce que souvent pour leur famille et leur communauté ils doivent représenter un exemple de réussite sociale et ils endossent une pression parfois trop importante à leur jeune âge.
En outre, du fait de leur faible représentation au sein des Universités, ils n’ont pas l’occasion de pouvoir se reposer psychologiquement sur les représentants de leur communauté d’origine, contrairement aux étudiants venus d’Asie qui sont bien plus nombreux et plus soudés.
Les notes à l’examen théorique final sont aussi un facteur de risque d’insatisfaction. Et c’est logique, puisqu’avec la sélection sur dossier, ceux qui ont obtenu les scores les moins élevés n’ont généralement pas accès à leur premier choix de spécialité ou de ville.
Enfin, plus les étudiants vivent dans un foyer aisé, plus ils sont insatisfaits de leur sort. C’est aussi le cas de ceux qui s’endettent pour leurs études à une hauteur supérieure à 10 000 $.
Dyrbye L, Burka S, Hardeman R et coll. Association of Clinical Specialty With Symptoms of Burnout and Career Choice Regret Among US Resident Physicians. JAMA. 2018;320(11):1114-1130. doi:10.1001/jama.2018.12615
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