Malgré le recours de plus en plus fréquent à des praticiens à diplôme étranger, de nombreux pays continentaux sont confrontés à des situations de pénurie médicale, ou de très forte tension. « En 2020, l’Europe manquera de 30 % de médecins environ » (pour couvrir les besoins), a mis en garde le Dr Enrico Reginato, président de la Fédération européenne des médecins salariés (FEMS) qui vient de réunir à Paris sa 50e assemblée générale.
« Tous les pays d’Europe sont concernés par cette pénurie, renchérit le Dr Joao de Deus, président de l’Ordre des médecins portugais. En pratique, on assiste à des migrations de médecins du centre et de l’Est de l’Europe vers les pays de l’Ouest et du Nord. »
Le recrutement de praticiens étrangers appauvrit durablement les pays d’origine. Cette fuite des cerveaux de Roumanie, de Hongrie, de Bulgarie ou de Pologne, souvent liée à de mauvaises conditions de travail dans ces pays, a pris une ampleur considérable depuis une directive européenne de 2005 qui a accordé la réciprocité des diplômes aux praticiens de l’Union européenne. Dès lors, « les médecins à diplôme étranger sont-ils une solution aux déserts médicaux ou un nouveau problème ? », a demandé, un brin provocateur, le Dr Ayoub Mdhafar, porte-parole de la Fédération des praticiens de santé (FPS), qui représente les praticiens à diplôme de l’Union et hors de l’Union européenne (médecins, pharmaciens, dentistes et sages femmes).
Éthique
En France, sur 215 000 médecins actifs enregistrés à l’Ordre, environ 17 000 sont titulaires d’un diplôme européen ou extra-européen (soit 8 %). Ils exercent surtout la médecine générale, l’anesthésie réanimation ou la chirurgie et sont algériens (22,2 %), roumains (17,7 %), belges (9%), syriens (6 %), marocains (6 %) ou italiens (5 %)... Il n’empêche : la France connaît aujourd’hui un grand nombre de zones sous-médicalisées que n’a pas permis de compenser le recours à des médecins à diplôme étranger, constate le Pr Claude-François Degos, président du conseil régional de l’Ordre d’Ile-de-France.
Pour certains, la solution passe par une approche concertée, à l’échelle européenne, de la démographie médicale. « Il faudrait que les Ordres de tous les pays d’Europe travaillent avec les gouvernements pour trouver des solutions intelligentes de régulation », insiste le Dr Raymond Lies, médecin luxembourgeois.
Le Dr Claude Wetzel, anesthésiste alsacien, ancien président de la FEMS, souligne la nécessité de respecter le code éthique de recrutement médical édicté par l’Organisation mondiale de la Santé.« Un quart des anesthésistes du CHU de Strasbourg sont des femmes d’origine roumaine, illustre-t-il. À Noël, elles sont loin de leurs enfants, gardés par les grands parents. Il faut que nous arrêtions cela et que nous défendions des valeurs ! Chaque habitant de l’Union doit pouvoir être soigné dans son pays, par des médecins de son pays. »
Harmonisation des diplômes
Paradoxalement, le contingentement de médecins formés dans de nombreux pays de l’Europe de l’Ouest (dont la France) aboutit à une dérégulation croissante de la démographie (contournement du numerus clausus, recrutement d’intérimaires...). « La France a tort de s’arc-bouter sur le numerus clausus, c’est une erreur, juge le Dr Jamil Amhis, président de la Fédération des praticiens de santé (FPS). Maintenant que l’Europe est ouverte, il faut obtenir une harmonisation des diplômes européens et pourquoi pas créer un observatoire des diplômes européens ».
Le conseil de l’Union européenne a récemment estimé que le numerus clausus auquel est soumis l’accès à de nombreuses professions (médecins, pharmaciens, etc.) entravait l’accès aux services de santé et « pourrait être réexaminé sans mettre en péril la qualité et la sécurité ».
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