Deux facultés distantes de 130 kilomètres prêtes à travailler main dans la main

Le CHU de Caen, en reconstruction, veut bâtir de bonnes relations avec le CHU de Rouen

Par
Publié le 20/02/2017
Article réservé aux abonnés
caen

caen
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Officiellement lancée par Marisol Touraine en décembre, la reconstruction du CHU de Caen sera achevée en 2026.

« Je sais qu’il y a des inquiétudes sur ce point (le maintien de la vocation universitaire du CHU de Caen – NDLR), notamment en Normandie, a reconnu Marisol Touraine, mi-décembre, dans une interview à Ouest-France, dans laquelle elle annonçait la reconstruction déjà projetée par Roselyne Bachelot en 2010.

Mais la ministre de la Santé se veut apaisante et elle ajoute : « Le CHU de Caen conservera toutes ses activités et bien sûr les services d’exception qui font sa renommée (…) Il n’y aura aucun transfert d’activités vers les autres grands hôpitaux du secteur. Néanmoins, ajoute-t-elle, le projet médical doit être construit avec les autres établissements. » Une feuille de route pour une stratégie régionale d’un futur groupement hospitalier de territoire (GHT) Normandie-Centre.

« Quand deux CHU sont proches, comme Caen et Rouen, à une centaine de kilomètres l’un de l’autre, de surcroît au sein de la même région, forcément certains peuvent ressentir des inquiétudes au sujet d’éventuels regroupements et délocalisations, remarque le Pr Emmanuel Touzé, nouveau doyen de la faculté de médecine de Caen. Mais les deux facultés abordent le sujet dans une ambiance de concertation sereine. »

« Il n’en a pas toujours été ainsi, se souvient le Pr Pierre Denise, président de l’université de Caen-Normandie et ex-doyen de la faculté de médecine, qui se remémore la fin des années 1990, « lorsque le numerus clausus caennais avait touché le fond. Désormais, avec un UFR installé dans des bâtiments flambant neufs et un numerus remonté à 200 pour repeupler le territoire médical, Caen est sorti du creux de la vague. » Le président de l'université caennaise dit aborder la négociation sur la collaboration avec Rouen dans un « esprit positif de rationalisation » : « Sur le plan de la recherche, avec des équipes communes, comme sur celui de la formation, avec des internes qui pourraient faire leurs stages dans les deux CHU, nous n’avons qu'à gagner à travailler ensemble. »

Une collaboration parfois un peu tendue

La reconstruction du CHU ne semble pas devoir bouleverser le cours du rapprochement déjà engagé. « Depuis deux ans, nous avons accéléré les échanges pour consolider nos liens avec le CHU de Rouen, indique le directeur général adjoint du CHU de Caen, Frédérick Marie, et ceci sans que le U du CHU caennais n’ait jamais été remis en cause, ni par l’ARS, ni par les régions. » Au contraire, le futur centre universitaire sera équipé de salles d’enseignement avec des moyens de télémédecine et de visioconférence pour développer la recherche clinique et translationnelle, poursuit le DG, qui prévoit une intensification de la collaboration avec Rouen autour des pôles d’excellence respectifs.

« Nous devons améliorer la mise en cohérence régionale de nos polarités particulières, chez nous les neurosciences et la cardiologie, confirme le Pr Guy Launoy, assesseur recherche de l’UFR de Caen, et l’ensemble des PU-PH comprennent l’intérêt d’une dynamique hospitalo-universitaire pour prendre leur avenir en main. » « La collaboration peut être parfois un peu tendue, reconnaît le Pr Damien Davenne, directeur d'une unité mixte de recherche, mais la volonté de construire un ensemble cohérent pour la clinique, l’enseignement et la recherche est là. »

Statut dérogatoire comme à l’AP-HP ?

Pour l’heure, les entités des deux facultés ne devraient pas être modifiées. Mais la question d’une fusion à terme des deux CHU est déjà posée. « Un statut dérogatoire sur le modèle de l’AP-HP pourrait-il s’appliquer en Normandie ? Il présenterait des avantages à étudier, estime le Pr Pierre Denise, qui s’y montre ouvert, tout comme, semble-t-il, l’ARS et le président de région, Hervé Morin.

« Évidemment, il n’est pas question d’une OPA que lancerait Rouen sur Caen, ou l’inverse, prévient le doyen de l’UFR de médecine et de pharmacie de Rouen, le Pr Pierre Freger, elle serait contreproductive. Les CHU et les facultés doivent s’allier en gardant leur territoire propre tout en gagnant ensemble en lisibilité et en attractivité, avec des bassins de population frappés par la désertification. »

Christian Delahaye

Source : Le Quotidien du médecin: 9557