VENANT DU CANADA où le professeur Nantais Pierre Potier l’a découvert, un enseignement basé sur la participation des étudiants à des consultations de médecine générale dont les patients sont des comédiens professionnels concerne toutes les 3ème année. Une méthode efficace semble-t-il pour leur montrer très tôt le but à atteindre : créer une relation de qualité avec le patient pour pouvoir poser un bon diagnostic.
« Récemment, avec d’autres étudiants, nous nous sommes réparti les rôles du médecin et du malade pour nous mettre en situation d’effectuer une consultation, mais là, c’est vraiment autre chose… Les comédiens jouent très bien le rôle de patients. On oublie qui ils sont vraiment, c’est impressionnant ! » Étudiant de 3ème année à la faculté de médecine de Nantes, Antoine Phelippon inaugure ce matin-là une nouvelle séquence de formation qui concernera les 220 étudiants de la promotion.
En blouse blanche (on s’imagine donc être à l’hôpital), ce jeune garçon va, comme les sept autres étudiants convoqués, chercher son prochain patient. « Bonjour, je suis le Dr Phelippon et je remplace votre médecin habituel. » En face, un homme jeune, de 38 ans. L’interrogatoire commence. On sent le « praticien » plutôt à l’aise. Et s’il avouera un peu plus tard que durant ce temps de la consultation, il a l’impression d’être confus dans sa tête, rien n’y paraît.
Une mise en situation, deux objectifs.
D’emblée, le patient affirme qu’il pense faire une phlébite. « Ma mère en fait… », ajoute-t-il. Il est assez loquace mais brouillon. Voilà qui ne va pas arranger la définition du diagnostic sémiologique que les étudiants doivent poser au terme de la consultation. Mais c’est l’objectif recherché. Comme le souligne le Dr Pierre Potier, professeur de médecine interne à la faculté, « un étudiant de 3ème année n’a pas les connaissances médicales pour réussir à poser le bon diagnostic, mais nous le mettons en situation d’avoir deux choses à régler de front : poser un diagnostic comme le ferait n’importe quel médecin généraliste et établir un bon relationnel avec le patient… Les étudiants doivent se rendre compte à la fin de ces exercices de simulation que pour poser un bon diagnostic, il faut avoir une bonne relation avec son patient. Mais, en attendant, ils peuvent avoir un plomb qui saute… ».
Pour Antoine Phelippon, le cas est complexe. Il faut rester calme, faire preuve d’une (relative) sérénité, car, en face, le patient est plutôt démonstratif. En plus de l’hypothétique phlébite qu’il pense développer, le jeune homme explique, pour justifier qu’il se déplace avec l’aide d’une béquille, qu’il a dû se faire une entorse. « Ma jambe droite a gonflé beaucoup et ma gauche ensuite. Je me suis dit : je dois faire une phlébite ! » L’apprenti médecin cherche à rassurer : « Je vous le dis tout de suite : il y a peu de chance que ça soit une phlébite. » Mais, force est de constater que cela réveille plutôt une forme d’angoisse chez le patient. Ce dernier ferme les yeux (« quand j’ai un peu peur, je ferme les yeux »), coupe le généraliste pour se faire expliquer certains termes. Et puis, enfin, il lâche qu’il prend un médicament pour stabiliser sa tension… Assez pour déstabiliser cette fois-ci le jeune praticien qui, alors que le patient est maintenant rhabillé et s’apprête à partir après s’être fait diagnostiquer la survenue d’un œdème, exerce une petite palpation du ventre.
Le débriefing n’est pas du théâtre.
De retour dans la « salle d’attente », chaque comédien évalue l’étudiant selon une grille très précise. Le patient-à-la-béquille lâche un « il est bien ce petit » et renseigne toutes les questions, chapitre par chapitre : évaluation générale, caractérisation de la plainte, signes fonctionnels associés, caractérisation du terrain et du contexte, évaluation de l’examen physique, recherche d’éléments de gravité… Tout y passe. « Certains étudiants sont complètement à côté pour ce qui est du rapport au patient, explique le comédien. Ce matin, il y en a un qui m’a quand même dit : "franchement, là, je sais pas…" » Une autre comédienne professionnelle, Elise Carville, qui participe à cet exercice pour la troisième année, souligne que, globalement, les évaluations sont plutôt dures. Et précise : « On se rend compte que les étudiants ne portent pas vraiment d’attention réelle à leurs patients. Quand on dit par exemple, à plusieurs reprises au cours de la consultation : "je dors mal", la plupart du temps, ils ne rebondissent pas ! »
Le groupe des comédiens ne se gêne d’ailleurs pas pour dire les choses directement aux étudiants quand vient le moment du débriefing à la fin de la demi-journée. « Ce temps-là est capital, note le Dr Pierre Potier. Car, dans la vraie vie, jamais un médecin n’a un retour du patient. » La faculté de médecine de Nantes attache tellement d’importance à cet exercice de pédagogie que l’absence à une seule consultation (les étudiants en enchaînent huit sur une matinée) entraîne automatiquement le redoublement. « Ce programme représente un engagement fort de notre faculté, souligne l’enseignant. Cette méthode, qui exige le recours à des comédiens professionnels et demande plusieurs séances d’information des acteurs sur telle ou telle pathologie et de co-écriture des scénarii, permet de montrer très tôt dans le cursus le but à atteindre. Cela les aide à appréhender ce qui les attend et les guide dans leur façon d’apprendre. Souvent, les jeunes médecins sont désarmés en consultation et il survient chez eux une surcharge cognitive qui ne laisse plus beaucoup de place pour créer la relation. On leur apprend les maladies, sans leur dire suffisamment qu’ils doivent être attentifs à la relation qu’ils vont créer avec leur patient. On pose un diagnostic sur une pathologie et selon l’état psycho-affectif du patient, qui va évoluer pendant les 15 minutes en moyenne que l’on va passer avec eux. Il faut qu’ils prennent bien conscience qu’il n’existe pas de consultation-type. Certains patients peuvent entrer sereins et ressortir complètement stressés. D’où la nécessité de poser un diagnostic que l’on appelle dynamique. »
Déjà financé par de l’argent privé, provenant de la fondation de la faculté, le programme ne peut pas être renouvelé pour d’autres promotions. L’idéal serait pourtant, selon le Pr Potier, de décliner cet exercice tous les ans jusqu’en 6ème année, en augmentant les difficultés sur le plan relationnel.
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