Entre méconnaissance et préjugés, la médecine du travail n’a pas la cote chez les étudiants en médecine. À l’approche des épreuves classantes nationales informatisées, peu décident de choisir cette spécialité parce qu’ils n’ont jamais rencontré de professionnels dans le domaine ou qu’ils imaginent le médecin du travail comme vissé à son bureau en entreprise.
Darie Dambo, 32 ans, a découvert la médecine du travail par hasard. Une de ses amies externes laissait sa place d’infirmière du travail en temps partiel, elle l’a prise pour sa dernière année d’externat. « J’ai découvert la réalité du métier. Le contact avec le salarié est plus proche que celui avec le patient parce que nous agissions en amont, en prévention. On cherche à comprendre la source du problème sur le lieu de travail et à la corriger », détaille Darie. Elle qui hésitait avec la psychiatrie ne regrette pas son choix : « La médecine du travail est plus efficace, amène à des résultats concrets. Nous avons aussi la chance de voir des salariés qui vont bien et c’est encourageant », ajoute-t-elle.
Effectuant aujourd’hui son dernier semestre d’internat à Lyon, Darie a eu déjà l’occasion de beaucoup se déplacer et de connaître de nombreuses entreprises. « J’ai découvert plein de milieux professionnels : la banque, la logistique, la préparation de commandes, la vente, l’industrie chimique, énumère-t-elle. Cette variété permet de ne pas s’ennuyer, d’être très mobile et de toujours voir une population différente. »
Un métier de terrain
Thibaut Henon confirme l’argument de sa co-interne. Vice-président de l’Association Nationale des Internes en Médecine du Travail (ANIMT), il effectue son sixième trimestre au CHU de Lille. « La variété des métiers que l’on découvre et des pathologies rencontrées en fait une spécialité très riche », soutient-il.
Vocation chevillée au corps : il a choisi médecine du travail avant même de passer les épreuves classantes nationales informatisées. « C’était vraiment un choix, je ne voulais pas que mon classement à l’ECN influence mon orientation », explique-t-il. Sa motivation première : le côté humain du métier qui s’approche presque du social. « Il faut s’intéresser à la vie des salariés, essayer de comprendre comment leur vie professionnelle influence leur vie privée et vice-versa. C’est aussi un travail de dialogue conséquent pour informer les employeurs ou les salariés de ce qui est le mieux pour leur santé. »
Curieux et sociable, Thibaut aime aussi le travail d’équipe qu’implique la médecine du travail : « On travaille avec des infirmières, des ergonomes, des psychologues… C’est très vivant et stimulant ! »
Un fort potentiel en recherche
Le rôle de coordinateur d’équipe s’installe progressivement dans les structures de médecine du travail, toujours en mutation. « Le métier a énormément évolué et est voué à évoluer encore, c’est passionnant », réfléchit Sylvain Chamot, 27 ans, interne à Amiens. Il a même soumis une contribution spontanée au rapport Lecocq sur la santé au travail et a été publié.
Sylvain a utilisé son droit au remords il y a deux ans et demi pour bifurquer de la médecine générale à la médecine du travail. Seul interne en médecine du travail quand il a commencé, les opportunités fleurissent rapidement. Il travaille avec l’association de la Médecine du Travail de l’Aine sur un projet de recherche concernant la mesure des impacts de la prévention en médecine du travail et on lui a proposé le poste de chef de clinique à Amiens en conseil de pathologies professionnelles. « Mon ambition serait de devenir hospitalo-universitaire tout en gardant une activité », confie-t-il.
Des conditions de travail recherchées
Pour Antoine Reydellet, président de l’Intersyndicale nationale des internes (ISNI) et interne en médecine du travail, la médecine du travail est aussi passionnante qu’un travail de détective. « Nous n’essayons pas de soigner un mal déjà fait mais de le retirer complètement sur le lieu du travail, en en cherchant la cause », détaille-t-il. Les offres de stages de la région lyonnaise ont aussi été un facteur déclencheur pour Antoine. Beaucoup d’institutions internationales sont en demande de médecins du travail. « J’ai pu faire un stage au centre européen de recherche nucléaire, le Cern, à Genève. C’était passionnant, j’ai visité l’anneau, rencontré des chimistes, des physiciens… », raconte-t-il.
La qualité de vie apportée par le métier choisi a aussi été primordiale pour lui. « C’est important de faire ce que l’on aime tout en se préservant. Une amie m’a fait suivre une offre d’emploi dernièrement : pour 35 heures hebdomadaires et 50 jours de congés payés, le poste était rémunéré 6 000 euros par mois ! », s’exclame-t-il. Étant salariés, les médecins du travail profitent aussi d’avantages comme le treizième mois. Et les postes vacants offrent aux futurs médecins du travail le choix de partir où ils souhaitent.
Candice Rancé, 25 ans et interne à Montpellier, ne voulait pas travailler en milieu hospitalier, en partie à cause des conditions de travail de l’hôpital et des conséquences des restrictions budgétaires sur les soins. Arrivée 1109ème aux ECN, elle avait le choix entre beaucoup de spécialités et a choisi la médecine du travail. « En tant qu’internes, nous avons encore tout à prouver. Je veux me montrer pro-active, volontaire dans la mission du soin aux travailleurs. Les horaires plus confortables que les autres spécialités comptent mais je pense qu’on peut se préserver tout en restant très dynamique », argumente-t-elle.
Vice-présidente de l’ANIMT également, elle compte bien influencer le futur de la médecine du travail avec ses amis co-internes. Le week-end du 26 juin, à Lyon, l’ANIMT organise les Réunions Nationales Pédagogiques, un cycle de conférences où la députée LREM Charlotte Lecocq devrait venir pour débattre de la réforme en suspens.
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