Présent sur l’un des chars sillonnant les rues du 5e arrondissement, le président de l’Intersyndicale nationale des internes (Isni), Killian L’helgouarc'h, savoure le moment, « très content de la mobilisation », avec « un interne sur deux en grève, soit environ 15 000, dont beaucoup à ce grand rassemblement parisien ». L’objectif affiché est clair : « Nous voulons faire flancher Guillaume Garot, qu’il retire sa loi ou a minima que les députés votent contre. Nous avons toujours été dans le dialogue et il ne nous écoute pas ! Notre mobilisation d’aujourd’hui en est la conséquence ! »

Vrai problème, fausse solution

Plusieurs organisations de juniors étaient représentées dans le cortège parisien, à l’instar de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf). Son vice-président, Hadi Abi Rached, explique défiler pour montrer aux députés que « limiter la liberté d’installation est une fausse solution à un vrai problème. Nous voulons être médecins, garder notre liberté et soigner des patients ! »

Mathilde, du Syndicat des internes des hôpitaux de Paris (SIHP), trouve de son côté « inacceptable de sacrifier autant d’années, également d’un point de vue psychologique et social, pour autant de restrictions. De moins en moins d’étudiants voudront faire médecine si cette mesure était adoptée », se désole-t-elle.

« Garder notre liberté »

Majoritaires dans le cortège, les carabins animent la manifestation et donnent le rythme mais sans cacher leur amertume. Sacha, interne en radiologie à Paris, dénonce le caractère « illusoire, démagogique et inefficace » de la coercition prônée par Guillaume Garot. Venu dans la capitale pour l’occasion, Louis, externe à Reims, est lui aussi vent debout contre l’article 1 du texte, déjà adopté. « Le problème n’est pas la répartition des médecins mais leur nombre. Nous ne choisissons déjà pas notre ville d’études ni de stage, puisqu’elle dépend de notre classement. Il est hors de question qu’on nous enferme quelque part un ou deux ans ! »

Pancarte sous le coude, Nina, en 3e année de médecine dans la capitale, raconte être présente afin de « manifester pour nos libertés ! Je veux faire médecine générale, pas être contrainte. » Son amie Lison, dans la même promo, abonde : « Nous faisons ces longues études par pure passion, pas pour qu’on nous impose de nous installer n’importe où ! Nous voulons soigner des patients mais dans de bonnes conditions. Je constate que certains étudiants veulent arrêter ; cela va faire couler le système ! »

Image 0
Colère blanche et slogans inspirés ce mardi à Paris

Plus loin dans le cortège, Théo, parisien en 5e année, souligne que l’attractivité de la profession est déclinante. « Si l’on veut s’installer en libéral alors que c’est déjà un sacerdoce, et qu’on nous ajoute une contrainte… c’est la goutte de trop ! Plus personne n’aura envie d’aller ni à l’hôpital, ni en libéral… » Et Élise, en 6e année elle aussi dans la capitale, d’expliquer que « la France entière est un désert médical ! Quand on finit nos longues études, nous voulons, autour de 30 ans, nous installer où nous voulons. »

Date historique, et demain ?

Présents eux aussi dans la manifestation parisienne, les syndicats « seniors » constatent avec joie la présence massive des étudiants. La Dr Agnès Giannotti, présidente de MG France, salue la fougue de la nouvelle génération mobilisée. « Les jeunes sont là, en nombre : on ne peut pas aller contre leur projet de vie, ça n’a pas de sens ! Il est nécessaire de construire avec et pas contre eux… » Pour le Dr Franck Devulder, président de la CSMF, on se souviendra de cette mobilisation car « dans toute démocratie, quand la génération future est dans la rue, ça ne peut pas laisser indifférent : ce sont eux qui vont nous soigner ! Les manifestations de médecins sont très rares, celle-ci est inédite. »

Le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML-S, confirme que ce 29 avril est déjà « historique ». « Le principal est de faire reculer cette loi, ces personnes qui n’écoutent rien et sont un véritable danger pour le système de santé », résume le généraliste de Fronton. Même souhait pour la présidente du SML, la Dr Sophie Bauer, qui note que « toute la communauté médicale est concernée pour qu’il y ait un retrait pur et dur de cette loi et ses amendements délétères ». Quant au vice-président de Médecins pour demain, le Dr Benoît Coulon, il souligne que « c’est une extrême maltraitance pour ces jeunes qu’on attaque alors qu’ils donnent dix ans de leur vie : nous serons toujours derrière eux ! »

Le texte qui a mis le feu aux poudres, porté par Guillaume Garot, reviendra donc à l’Assemblée à partir du 6 mai, dans une semaine exactement. De quoi faire bouger les lignes ? Dans la manifestation en tout cas, les propositions de François Bayrou n’ont guère fait recette auprès des médecins, qui craignent une autre forme de contrainte avec les deux journées de consultations avancées dans les « zones rouges » des déserts médicaux.