Les aventures d'Antigone

Journée mondiale contre la transphobie

Publié le 14/05/2022

Le 17 mai est la Journée mondiale contre la transphobie, une violence qui n’épargne pas le milieu du soin. Récemment, j’entendais encore mes collègues mégenrer une personne et parler de sa « transformation physique », dire des choses telles que « il est né homme ».

Je pense sincèrement qu’iels n’étaient pas mal intentionné•es, et que ce n’était que des formulations maladroites, un manque de connaissance concernant les transidentités – ce qui ne doit sans doute pas mettre les patient·es en confiance.

Dans l’enseignement médical, les transidentités sont passées sous silence, bien qu’elles concernent entre 1,5 et 3 % de la population.

D’après l’article Les personnes trans et le soin, à paraître dans la revue Médecine, pour des soins ne concernant pas la transition, 16 % des patient·es ont connu un refus de soins1 de la part des médecins généralistes et 19,5 % des médecins généralistes sont not transfriendly2. Parler des transidentités est un enjeu de santé publique dans lequel le médecin généraliste a toute sa place.

De plus, 75 % des personnes trans déclarent avoir été mal à l’aise avec un médecin pour une raison en rapport avec leur transition : attitude du médecin, jugement, mépris – la dés­approbation passant par différents signaux : vocabulaire, stigmates, gestuelle, regards… Pourtant, nous sommes censés laisser de côté nos préjugés face aux patient•es. En 2016, 65 % des personnes trans avaient subi des propos ou actes transphobes de la part du corps médical et 41 % avaient renoncé aux soins par peur de subir un comportement discriminatoire.

De nombreux clichés persistent, concernant le fait qu’il y a « plus de personnes trans maintenant qu’avant » (en réalité, ces personnes ont toujours existé mais la société les acceptaient moins, leur visibilité était moindre et beaucoup restaient dans le placard) ou encore que « beaucoup regrettent leurs choix ». Les chiffres prouvent pourtant le contraire : le regret de transition est rare et concerne souvent les conséquences opératoires (dysesthésies, douleurs).

Les auteurs des diverses études soulignent que ces chiffres ne sont pas très différents de ceux des années 1960. Ce que je trouve drôle, en médecine, c’est que nous sommes toujours en train d’apprendre les nouvelles thérapies, les nouveaux tests diagnostiques, mais qu’apprendre quelques mots de vocabulaire nous semble insurmontable, si bien que la prise en charge des personnes trans ne s’est pas améliorée en 70 ans.

Certain•es avancent des arguments fallacieux pour justifier le fait de ne pas s’informer : « ce n’est pas bien grave », « ils ou elles se vexent trop facilement »… Certain•es de mes collègues levaient les yeux au ciel quand je tentais de leur expliquer l’importance d’utiliser le bon vocabulaire, en me répondant « je continuerai de dire transexuel ».

Les discriminations perdurent justement car il est facile de les nier quand nous ne sommes pas concerné•es. Ne pas utiliser le bon vocabulaire revient à nier l’identité des patient•es. Le respect vis-à-vis de ces patient•es passe par l’information.

Alors, le 17 mai, je vous invite à lire des ressources proposées par des personnes trans, comme les sites internet des associations OUTrans, Espace Santé Trans, Chrysalide, des articles de sociologues spécialisées comme Karine Espineira ou Maud-Yeuse Thomas, ou encore à regarder le documentaire Identité Trans, au-delà de l’image (sur Netflix).

Ensemble, rendons le monde de la santé inclusif pour toutes et tous.

Myriam Dergham est interne de médecine générale à Saint-Étienne

1 Données d’une étude de l’association Chrysalide

2 Not transfriendly : non « favorables » aux personnes trans, non « safe », discriminants


Source : lequotidiendumedecin.fr