Ses détracteurs peuvent continuer à le débiner, le président de la République ne manque pas de panache qui s'est rendu à Amiens (sa ville natale) la semaine dernière, à la rencontre des ouvriers de Whirlpool, plongés dans une colère noire parce que leur repreneur leur a fait faux bond. La capacité de M. Macron à subir les interpellations familières et irrespectueuses de ceux qui se croient tout permis parce qu'ils sont malheureux est insondable. Lui reste de marbre, répond du tac au tac, tente de rétablir la réalité des faits. Mais pourquoi s'expose-t-il de la sorte, lui qui ne procède à des réformes que parce que justement il veut que le pays échappe enfin à la désindustrialisation ? Aux provocations auxquelles il s'est livré pendant les deux premières années de son mandat, (« Il suffit de traverser la rue pour trouver un emploi ») ont succédé les conversations franc du collier entre un chef d'État traité de naïf par ses interlocuteurs et des débatteurs tonitruants qui se croient avec un client du Café du commerce.
Une réforme inéluctable
Or Macron n'est plus l'homme dominateur et sûr de lui, sourd aux revendications, muet sur les explications. Il donne des gages. Il va redresser l'hôpital avec beaucoup d'argent et quoi qu'on en dise. Il a éteint l'incendie des gilets jaunes, là aussi avec de l'argent. On aura tout dit sur ce 5 décembre qui arrive, et on n'aura pas manqué d'exagérer en y percevant une journée fatidique qui fera basculer les institutions, Macron et son gouvernement, la majorité et la réforme. Wait and see. On croit la bête affolée par la meute qui arrive et à laquelle s'agrègent tous ceux qui font métier de critiquer, de railler, de condamner Macron, mais il court, il court le furet des bois, Mesdames. C'est quoi, cette haine qu'ils vomissent chaque jour ? C'est quoi, ces mots incendiaires, ces remarques faites pour humilier, abaisser, dénigrer ? Qui est contre la réforme et pourquoi ? Qui peut croire encore que nous n'avons pas besoin d'unifier les 42 régimes actuels, qu'il est tout à fait logique que les cheminots interrompent leur carrière à 50 ans quand ils en vivent 90, qui n'a pas encore compris que si ce n'est pas Macron qui accomplit cette réforme, c'en sera un autre ? Et que, plus tard sous l'empire d'une nécessité absolue, la réforme s'imposera d'elle-même, faute d'argent, et que les Français devront alors faire des sacrifices qu'ils n'imaginent même pas aujourd'hui ?
Si on ne procède pas à cette réforme des retraites, nos pensions d'aujourd'hui et de demain seront en danger. Je veux bien qu'il y ait entre le gouvernement et la CFDT, syndicat réformiste, des dissensions que le pouvoir pouvait, et peut encore, éviter. Je veux bien que le langage de l'exécutif soit parfois brutal. Je veux bien qu'il y ait, dans tout changement, des sacrifices à faire. Mais qu'on ne dise pas qu'il vaut mieux s'en tenir à ce qui existe et ne rien changer. Macron se justifie en rappelant que la réforme des retraites est une de ses promesses de campagne. Et si elle n'en était pas une, cela ne la rendrait pas moins inéluctable. Ces dernières semaines, dans les déclarations parfois contradictoires faites successivement par Agnès Buzyn, par Jean-Paul Delevoye et par Édouard Philippe, on a eu le sentiment que le gouvernement flottait ; puis, Emmanuel Macron a repris le flambeau et sonné la charge. Au travail, a-t-il dit à ses principaux collaborateurs. Ne comptez pas sur lui pour prendre sa retraite à l'âge qu'il a. Ne comptez pas non plus sur lui pour prendre votre retraite à l'âge qu'il a.