Les Français n'ont pris l'épidémie au sérieux que dimanche dernier, après le premier tour des élections municipales, quand ils ont préféré les promenades en ville à leur participation au scrutin. Cette fois, personne n'a mis en doute la capacité de nos dirigeants à combattre la maladie, mais nos concitoyens ont traité le Covid-19 avec la même arrogance qu'ils ont traité le pouvoir depuis près de deux ans : même pas peur. Il ne s'agit pas, en l'occurrence, de succomber à la terreur, mais à se protéger soi-même pour préserver les autres. Si, dès le début de l'épidémie, nous avions tous appliqué les règles d'hygiène qui nous sont rappelées tous les jours, les pouvoirs publics n'auraient pas été contraints de nous confiner dans nos logements. Le virus, déjà très inquiétant, est devenu d'autant plus nocif que le nombre des malades, ignorant pour la plupart comment ils l'avaient attrapé, ont saturé les hôpitaux.
Non seulement le nombre des malades et de décès est encore en hausse, alors qu'il décline en Chine et en Corée du Sud, mais nous avons détérioré les circuits de distribution par des achats et stockages intempestifs, alors que le strict nécessaire nous suffisait d'autant plus que nous aurions abrégé la durée de l'épreuve par un comportement plus civique. Il n'y aurait pas péril en la demeure si nous adoptions tous la même conduite, respect des règles d'hygiène et confinement. Mais il a fallu que nombre de nos compatriotes traitent la menace virale avec la même morgue que leur inspirent leurs élus : ils n'ont pas cru au danger, de même qu'ils pensent que leurs dirigeants ne sont rien et qu'eux, les électeurs abtentionnistes, sont à la fois, le Parlement, la République et la démocratie.
Absence de solidarité
Samedi et dimanche dernier, le corps médical français nous a démontré que l'épidémie s'aggravait chaque jour, que nous risquions d'atteindre un seuil où les moyens hospitaliers seraient insuffisants, que la pandémie était proche. Qu'ont-ils fait alors ? Sont-ils au moins rentrés chez eux à défaut de ne pas voter ? Ils sont sortir lundi pour acheter des vivres, et même de l'essence (bien que les voyages soient pratiquement interdits), dévalisant ainsi les supermarchés et les stations-service, comme si le nec plus ultra de cette crise consistait à poursuivre sa bonne petite vie au détriment de tous les autres. Existe-t-il quelque chose qui s'appelle solidarité nationale ?
Cette crise, au contraire, montre que nous avons collectivement besoin de tout ce qui fait de la France un pays civilisé. Des élus pour prendre les décisions les moins agréables, mais toutes destinées à nous protéger. Des médecins qui savent de quoi ils parlent, qui peuvent sembler alarmistes quand ils disent la vérité, mais qui la disent et en même temps tentent de nous expliquer que des milliers de chercheurs de par le monde travaillent sur un vaccin et sur l'ADN du Covid-19. Des structures puissantes et rassurantes capables de répondre aux besoins créés par l'épidémie. De même que des trublions et des casseurs démolissent les centres villes à la faveur des manifestations, de même on va piller les marchés ou les pompistes qui, pourtant, étaient en mesure de nous approvisionner raisonnablement pendant encore des semaines et des mois.
Une sorte de clivage invisible traverse le pays. Elle dresse beaucoup de nos concitoyens, mais pas tous, contre ceux qui les protègent soit parce qu'ils ont un mandat électif soit parce qu'ils ont une compétence sanctionnée par des diplômes. Si ceux qui n'ont pas obéi aux consignes tombent malades ou meurent, le pays se plaindra de nouveau, comme il ne cesse de se plaindre pour les salaires ou le niveau de vie. Il dira qu'il a le pire des gouvernements, la pire médecine, la pire infrastructure hospitalière, mais ce n'est vrai que pour ceux qui sont dans l'opposition et, en attendant de gouverner, prétendent pouvoir mieux faire.