Le catalogue de ces difficultés est impressionnant. Il va des divisions internes au sein du Parti socialiste où le charisme insuffisant de M. Faure est concurrencé par la volonté de François Hollande de reprendre les rênes du parti, à l'incompatibilité entre la social-démocratie et la France insoumise, de la présence d'une majorité République en marche et MoDem à un raidissement de la droite classique tétanisée par le choix de son chef, de la force indéniable du Rassemblement national, lequel doit être battu dès le premier tour si la gauche veut être au second, au triomphalisme des Verts qui ne suffit pas à supprimer les ambitions de Yannick Jadot et d'Éric Piolle.
La République en marche, incontestablement, est affaiblie par ses querelles internes et par la défection chronique de députés passés au MoDem et ailleurs, ce qui pourrait donner des ailes à François Bayrou et l'inciter à se lancer dans une mésaventure capable de ruiner la stratégie d'Emmanuel Macron. Mais le président de la République compte et, au moment des élections de 2022, il acceptera les suffrages d'où qu'ils viennent, de ceux des Républicains qui rejettent l'extrême droite, aux sociaux-démocrates qui ne seront pas rassurés par le projet d'une gauche trop compliquée pour apporter au pays la stabilité dont il a tant besoin. Certes, par deux fois, il a été prouvé que, en ces temps de grogne et de hargne, un président se présentant à une second mandat a été battu. Il est licite de penser qu'après avoir bénéficié du dégagisme, M. Macron en devienne la victime.
Un Macron résistant.
Il n'empêche que la part d'incertitude que nous réservent la lutte contre la pandémie et le redressement économique et social jouera plutôt en faveur de ce que les Français connaissent, c'est-à-dire un président et un gouvernement qu'ils n'aiment pas, mais qui, en tout cas, aura résisté à une double crise, sanitaire et financière comme la France n'en a jamais connu depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale. Et, au fond, ce sont moins les programmes qui vont influencer le scrutin, que les hommes et leur caractère. Qui peut croire, à l'heure qu'il est, que Jean-Luc Mélenchon se contenterait d'une troisième ou quatrième place au sein d'un gouvernement de la gauche ? Qui croit que les écologistes ne voudront pas avoir le leadership jusqu'au bout, ce que M. Faure accepterait peut-être, mais qui ruinerait le projet, très personnel, de François Hollande, lequel a renoncé en novembre 2016 à se présenter pour un second mandat, se transformant de la sorte en canard boîteux, et croit, sans doute sincèrement, qu'il a retrouvé la fraîcheur et l'enthousiasme de ses vingt ans, et la force qui lui a manqué il y a seulement trois ans ?
On glosera abondamment sur le bilan de M. Macron au début de 2022 et même avant. On pourra, comme d'habitude, en faire un tableau à la Goya, fait de sang et de larmes. Une partie de l'opinion, toujours la même, lui fera un procès. Une autre verra surtout sa capacité à réagir avec stoïcisme à l'adversité. Quand tout est perdu, écrit Emmanuel Roblès, cela s'appelle l'aurore. La vraie grande difficulté de l'opposition de gauche, mais aussi des Républicains, c'est qu'ils n'étaient pas là pour résister aux gilets jaunes ; ils n'ont pas changé de cap pour éteindre l'incendie ; ils n'étaient pas là non plus pour se battre contre le Covid, inventer des stratagèmes susceptibles de protéger les gens contre la contamination et augmenter les dépenses budgétaires comme elles n'ont jamais augmenté. Mais c'est lui, Macron, qui l'a fait, ce n'est aucun de ses opposants.