Accouchements à domicile et maisons de naissance

Le confort ne peut l’emporter sur la sécurité

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Publié le 25/06/2021
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La demande d’accouchements hors maternité a légèrement augmenté, sans doute exacerbée par la pandémie Covid-19. Elle est ainsi passée de 0,3-0,4 % à 0,5-0,8 %, ce qui reste très marginal et ne doit donc pas se faire au détriment des moyens alloués aux maternités classiques.

Le CNGOF recommande à toutes les structures obstétricales de proposer des filières de soins physiologiques

Le CNGOF recommande à toutes les structures obstétricales de proposer des filières de soins physiologiques
Crédit photo : phanie

Avec leur environnement très technique, les maternités peuvent rassurer, mais aussi effrayer certaines femmes. Raison pour laquelle le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) recommande à toutes les structures obstétricales de proposer des filières de soins physiologiques pour les patientes à bas risque − et donc idéalement une salle dédiée à ce type d’accouchement, avec un grand espace, de quoi se détendre, etc. − au sein même des plateaux techniques des maternités. Le besoin, bien légitime, de confort des femmes ne doit pas se faire au détriment de leur sécurité. Or, c’est bien le risque avec les accouchements à domicile, d’autant que les sages-femmes qui assument ces accouchements volontaires ne sont pas assurées pour cela.

Un bilan très mitigé

Parmi les femmes qui ne veulent pas accoucher dans une maternité, certaines ne veulent plus y remettre les pieds à la suite d’une mauvaise expérience (accouchement compliqué, mauvaise entente avec l’équipe) et d’autres, parce qu’elles considèrent que l’accouchement est un processus physiologique. « C’est une réalité dont il faut tenir compte, même si, lorsqu’on fait des sondages d’opinion, 95 % des patientes qui ont accouché dans nos maternités estiment que le personnel, médical et non soignant, a toujours été bienveillant durant leur séjour. Parmi les 5 % de déçues, la première cause est la prise en charge de la douleur qui n’a pas été optimale, loin devant le sentiment d’avoir été blessée par certains mots », note le Pr Cyril Huissoud (Lyon).

Preuve qu’une mauvaise expérience n’est pas forcément à l’origine de ce choix, une majorité des femmes (56 %) venant dans les maisons de naissance est constituée de primipares.

Certaines vont encore plus loin : elles ne veulent même pas de sage-femme ou de maison de naissance, mais un accouchement autonome avec un tuto internet. « Il est alors du rôle des généralistes et des gynécologues de les alerter sur la réalité de l’accouchement et sur les difficultés auxquelles elles risquent d’être confrontées : des risques pour elles et pour leur enfant au cas où l’accouchement ne se passerait pas bien, insiste le Pr Huissoud. En effet, une étude internationale du New england journal of medicine montre qu’il y a 2 à 3 fois plus de complications (convulsions du nouveau-né, hémorragies du post-partum, décès péripartum) aux États-Unis, chez les patientes qui accouchent à domicile. En contrepartie, il y a moins de césariennes. D’autres études réalisées dans des pays d’Europe du nord (mais de moindre qualité), suggèrent qu’il n’y aurait pas plus d’accidents dans les maisons de naissance (aucun chiffre disponible sur les accouchements à domicile). »

Les maisons de naissance représentent un cas à part en France, la plupart étant situées à proximité d’une maternité classique. « On a quand même un tiers des primipares qui sont finalement transférées en maternité classique », remarque le Pr Huissoud.

Pas au détriment des maternités !

« La volonté actuelle d’augmenter le nombre de maisons de naissance et même de les éloigner des maternités classiques, risque de poser un gros problème s’il faut solliciter à chaque fois le Samu, pour un tiers des primipares ! », prévient le spécialiste, ajoutant que, pendant ce temps, des maternités ont été fermées au prétexte qu’elles n’atteignaient pas le seuil de 300 naissances (y compris certaines éloignées de plus d’une heure d’une autre). Celles qui restent continuent de grossir, mais sans apport du personnel soignant adéquat. « On va mettre des moyens dans les maisons de naissance pour répondre à 0,5 % de la demande des femmes, au détriment de toutes les autres ! Il serait plus raisonnable de faire venir le personnel soignant nécessaire (notamment les sages-femmes qui sont en sous-effectif à l’hôpital) dans nos maternités classiques. Il serait aussi plus judicieux de rendre nos plateaux techniques accessibles aux sages-femmes libérales pour que toutes les femmes bénéficient des mêmes protocoles de sécurité », conclut le Pr Huissoud.

Exergue : « On va mettre des moyens dans les maisons de naissance pour répondre à 0,5 % de la demande des femmes au détriment de toutes les autres ! »

Entretien avec le Pr Cyril Huissoud, service de gynécologie-obstétrique de la Croix Rousse, groupement hospitalier nord, HCL, Lyon

Dr Nathalie Szapiro

Source : lequotidiendumedecin.fr