Les pouvoirs publics ont choisi la voie modérée quant au déficit budgétaire pour des raisons évidentes : l'État français emprunte à un taux négatif, les dépenses sociales doivent augmenter, comme on l'a vu avec la rallonge accordée par Agnès Buzyn aux hôpitaux pour tenter de mettre un terme à la grève des urgences et il a renoncé à diverses réductions de prestations sociales, par exemple la mesure sur les arrêts-maladie, pour éviter autant qu'il le peut la colère sociale.
Il faudra lire la Loi de finances pour comprendre comment les pouvoirs publics, en dépit des engagements d'un montant de 17 milliards en année pleine pris pour apaiser le mouvement des gilets jaunes, est parvenu à diminuer, d'une année sur l'autre, de 1,2 % le déficit budgétaire. Ces décisions sont prises dans le cadre des dispositions dites de l'acte II du quinquennat, qui devrait être marqué par une plus grande mansuétude à l'égard des Français. Elles ne s'étendent pas, apparemment, à la réforme des retraites qui a été entreprise pour faire des économies sur la distribution des prestations sociales. En revanche, elles doivent inclure la baisse de l'impôt sur le revenu (pour tous) et la poursuite de la disparition progressive de la taxe d'habitation.
Pour adopter un projet de budget qui ne fâche personne et accorder à nos concitoyens une hausse de leur pouvoir d'achat, les pouvoirs publics comptent sur une croissance de 1,4 % en 2020. Ce chiffre est certainement audacieux si l'on tient compte du marasme économique mondial. Non seulement la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine a réduit l'optimisme des investisseurs, mais la croissance allemande laisse à désirer depuis qu'elle a été frappée de plein fouet par ce conflit. En outre, les Allemands n'ont pas encore décidé de relancer leur économie, bien qu'ils aient acquis des surplus commerciaux et budgétaires impressionnants. L'économie française, en revanche, dépend plus de la consommation intérieure que des exportations, de sorte que budget, qui accroîtra la redistribution, devrait renforcer le pouvoir d'achat des particuliers et donc leurs dépenses.
Les taux négatifs : une chance
On ne peut pas dire que le gouvernement a fait un mauvais choix. Au contraire, il a fait celui qui ne nuit pas à la croissance et qui est le plus adapté à la conjoncture, notamment les taux négatifs des emprunts qui lui permettent de trouver autant d'argent qu'il veut sans payer un sou d'intérêt. Bien entendu, cette situation favorable ne durera pas éternellement et il faudra, l'an prochain, examiner la Loi de finances avec une minutie et une prudence accrues. La situation économique et financière du monde s'est retournée alors même qu'Emmanuel Macron se lançait dans l'acte II du quinquennat, censé donner la priorité au dialogue et abolir toute mesure arbitraire. Voilà que le président annonce un nouveau grand débat national, qui ressemblera beaucoup à celui qui était destiné à satisfaire les revendications des gilets jaunes.
Ce qui veut dire que la gouvernance économique et politique, c'est la même chose. N'ayant plus besoin de répéter aux Français qu'ils doivent se faire à la rigueur, M. Macron peut leur parler avec un peu plus de bienveillance. Cependant, il doit être très prudent parce que les facteurs favorables dont il bénéficie aujourd'hui peuvent disparaître : les sombres perspectives internationales risquent de ralentir encore la croissance, et les taux peuvent remonter brutalement, ce qui aggraverait nos positions en termes de déficit budgétaire et de dette. Bien entendu, les Cassandre n'ont pas toujours raison : 2020 sera, pour le chef de l'État et ses principaux collaborateurs un « passage » vers l'élection présidentielle de 2022. L'adoption d'un budget raisonnable ni trop généreux ni trop avare est un acte sobre et calculé.