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Avec les dernières annonces concernant notre métier et la lutte contre les déserts médicaux, est-il légal de forcer un travailleur indépendant à remplir une mission de service public qui ne lui incombe pas ? Quel cadre cette obligation devra-t-elle respecter ? Que devient la liberté individuelle des médecins dans cette affaire ?
Maître Maud Geneste
Cher Docteur,
Le 13 mai 2025, le Sénat a adopté, à une large majorité, en première lecture, la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins dans les territoires, qui encadre la liberté d’installation des médecins dans les zones déjà bien dotées. Les sénateurs ont intégré à leur texte une solidarité territoriale obligatoire pour les médecins.
La mission de solidarité territoriale obligatoire pour les médecins se présente sous forme de consultations avancées dans les territoires les plus en difficulté, identifiés par les ARS, en lien avec les Préfets, les Conseils départementaux et l’Ordre des médecins. Cette solidarité, organisée par les ARS et les Ordres de médecins impliquera une obligation d’exercice partiel en zones prioritaires. Les médecins des zones bien dotées, y compris les remplaçants, devront se relayer pour assurer la continuité des soins de premier recours dans les zones sous dotées, sur la base de plannings prédéfinis, à l’image de la permanence des soins ambulatoire.
La Loi, à travers la mission de solidarité territoriale obligatoire, instaure une obligation assortie de sanctions financières, visant à éviter d'avoir à recourir à la réquisition de médecins, ou plutôt visant à reculer le recours à cette procédure lourde qui ne permet pas d'assurer la continuité des soins.
La question de la légalité de cette mesure ne se pose pas. Dès lors que la proposition de loi est votée par le parlement, elle devient une Loi, et s'insère dans le corpus législatif, notamment à l'article Art. L. 4136-1 du Code de la santé publique. Une loi ne peut pas par définition être "illégale".
Au delà de ce que je peux penser de cette mesure contraignante contestable, d'un point de vue juridique, dès lors qu'elle est votée, sa légalité ne peut plus être remise en question. Il s'agirait éventuellement d'en contester la constitutionnalité mais avec très peu de chance de succès. En effet, s'agissant de forcer un travailleur indépendant à remplir une mission de service public qui ne lui incombe pas, cela peut s'entendre des médecins non conventionnés.
En revanche un médecin conventionné, même libéral, n'est pas un travailleur indépendant dans la mesure où il est en partie rémunéré par l'assurance maladie. Forcer un médecin qui n'est absolument pas rémunéré par l'assurance maladie, comme un médecin non conventionné, est assurément plus contestable. Toutefois, une telle obligation de service rendu à l'Etat sans en être l'employé s'est produit avec le service militaire par exemple, ou encore aujourd'hui pour les avocats commis d'office...
S'agissant du "cadre" de cette obligation de mission de solidarité territoriale, il faudra attendre les décrets d'application. Je vous joints d'ores et déjà ci-après le texte adopté le 13 mai dernier.
Bien à vous
Le 13 mai 2025, le Sénat a adopté, à une large majorité, en première lecture, la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins dans les territoires, qui encadre la liberté d’installation des médecins dans les zones déjà bien dotées. Les sénateurs ont intégré à leur texte une solidarité territoriale obligatoire pour les médecins.
La mission de solidarité territoriale obligatoire pour les médecins se présente sous forme de consultations avancées dans les territoires les plus en difficulté, identifiés par les ARS, en lien avec les Préfets, les Conseils départementaux et l’Ordre des médecins. Cette solidarité, organisée par les ARS et les Ordres de médecins impliquera une obligation d’exercice partiel en zones prioritaires. Les médecins des zones bien dotées, y compris les remplaçants, devront se relayer pour assurer la continuité des soins de premier recours dans les zones sous dotées, sur la base de plannings prédéfinis, à l’image de la permanence des soins ambulatoire.
La Loi, à travers la mission de solidarité territoriale obligatoire, instaure une obligation assortie de sanctions financières, visant à éviter d'avoir à recourir à la réquisition de médecins, ou plutôt visant à reculer le recours à cette procédure lourde qui ne permet pas d'assurer la continuité des soins.
La question de la légalité de cette mesure ne se pose pas. Dès lors que la proposition de loi est votée par le parlement, elle devient une Loi, et s'insère dans le corpus législatif, notamment à l'article Art. L. 4136-1 du Code de la santé publique. Une loi ne peut pas par définition être "illégale".
Au delà de ce que je peux penser de cette mesure contraignante contestable, d'un point de vue juridique, dès lors qu'elle est votée, sa légalité ne peut plus être remise en question. Il s'agirait éventuellement d'en contester la constitutionnalité mais avec très peu de chance de succès. En effet, s'agissant de forcer un travailleur indépendant à remplir une mission de service public qui ne lui incombe pas, cela peut s'entendre des médecins non conventionnés.
En revanche un médecin conventionné, même libéral, n'est pas un travailleur indépendant dans la mesure où il est en partie rémunéré par l'assurance maladie. Forcer un médecin qui n'est absolument pas rémunéré par l'assurance maladie, comme un médecin non conventionné, est assurément plus contestable. Toutefois, une telle obligation de service rendu à l'Etat sans en être l'employé s'est produit avec le service militaire par exemple, ou encore aujourd'hui pour les avocats commis d'office...
S'agissant du "cadre" de cette obligation de mission de solidarité territoriale, il faudra attendre les décrets d'application. Je vous joints d'ores et déjà ci-après le texte adopté le 13 mai dernier.
Bien à vous
Mission de solidarité territoriale Art. L. 4136-1. – Afin de garantir l’accès aux soins dans des zones considérées comme prioritaires, les médecins libéraux et les médecins salariés d’une structure de soins participent à une mission de service public de solidarité territoriale en dispensant des soins en dehors de leur lieu d’exercice habituel. « Les zones considérées comme prioritaires sont fixées par arrêté du directeur général de l’agence régionale de santé territorialement compétent dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la santé.
Cette participation s’exerce sur la base du volontariat ou, à défaut, sur désignation du directeur général de l’agence régionale de santé. Il ne peut être exigé des médecins soumis à un engagement d’exercice à temps partiel en application des articles L. 4131-8 et L. 4131-9 (’installation dans les zones les mieux dotées conditionnée à l'engagement du médecin à exercer à temps partiel dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soin), qu’ils participent à la mission de service public de solidarité territoriale.
Par dérogation à l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, les conditions d’indemnisation de cette participation sont fixées par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale et exclusives de toute rémunération forfaitaire spécifique prévue par la convention mentionnée au même article L. 162-5.
En cas de refus de participation à la mission de solidarité territoriale, le directeur général de l’agence régionale de santé peut prononcer à l’encontre du médecin une pénalité financière. « Le montant de cette pénalité est fixé en fonction du nombre de jours ayant fait l’objet d’un refus de participer à la mission et de la réitération éventuelle du refus.
La pénalité est recouvrée par l’organisme d’assurance maladie compétent. Les dispositions du dernier alinéa du III de l’article L. 133-4 du même code sont applicables à son recouvrement. Son produit est affecté à la Caisse nationale de l’assurance maladie.
En cas de carence de médecins pour assurer la mission dans une zone donnée, le directeur général de l’agence régionale de santé communique au représentant de l’État dans le département les informations permettant à celui-ci de procéder aux réquisitions éventuellement nécessaires. « Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, notamment le nombre de jours maximal pour lequel un médecin peut être désigné pour participer à la mission et le montant de la pénalité financière, dans la limite de mille euros par jour.
Cette participation s’exerce sur la base du volontariat ou, à défaut, sur désignation du directeur général de l’agence régionale de santé. Il ne peut être exigé des médecins soumis à un engagement d’exercice à temps partiel en application des articles L. 4131-8 et L. 4131-9 (’installation dans les zones les mieux dotées conditionnée à l'engagement du médecin à exercer à temps partiel dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soin), qu’ils participent à la mission de service public de solidarité territoriale.
Par dérogation à l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, les conditions d’indemnisation de cette participation sont fixées par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale et exclusives de toute rémunération forfaitaire spécifique prévue par la convention mentionnée au même article L. 162-5.
En cas de refus de participation à la mission de solidarité territoriale, le directeur général de l’agence régionale de santé peut prononcer à l’encontre du médecin une pénalité financière. « Le montant de cette pénalité est fixé en fonction du nombre de jours ayant fait l’objet d’un refus de participer à la mission et de la réitération éventuelle du refus.
La pénalité est recouvrée par l’organisme d’assurance maladie compétent. Les dispositions du dernier alinéa du III de l’article L. 133-4 du même code sont applicables à son recouvrement. Son produit est affecté à la Caisse nationale de l’assurance maladie.
En cas de carence de médecins pour assurer la mission dans une zone donnée, le directeur général de l’agence régionale de santé communique au représentant de l’État dans le département les informations permettant à celui-ci de procéder aux réquisitions éventuellement nécessaires. « Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, notamment le nombre de jours maximal pour lequel un médecin peut être désigné pour participer à la mission et le montant de la pénalité financière, dans la limite de mille euros par jour.
Me Maud Geneste - Avocat
🏠 1, rue Saint Firmin, 34000 Montpellier
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✉ m.geneste@ah-avocats.fr
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