Emmanuel Macron est séduit par le grand chamboulement que la crise sanitaire rendrait nécessaire. Il est favorable à ce qu'il a lui-même appelé une « révolution ». Tout l'incite à l'entreprendre, ses convictions, son incesssant activisme, la prise de conscience nationale d'une crise générale née de nos divisions croissantes. Il s'est même entouré d'un aréopage de trois douzaines d'experts pour réunir des idées. Nul besoin, cependant, d'être le plus fin des analystes pour découvrir l'ampleur de la tâche : sortant, et encore n'est-ce pas certain, d'une crise qui l'a considérablement affaiblie, la France ne peut pas choisir en quelques semaines un nouveau modèle économique et social dont l'efficacité ne serait nullement prouvée. D'autant que, de partout, de la gauche et de la droite, des élus de la République et de ses dissidents, des extrêmes, arrivent, comme autant d'orages menaçants, des propositions, des injonctions plutôt, qui sont contradictoires.
Par exemple, il faut, dans le fameux « monde d'après », selon les écologistes de tous bords, inscrire l'environnement dans la toute prochaine action gouvernementale, la crise du climat. Il ne s'agit pas d'ignorer cet impératif catégorique, il s'agit seulement de l'ajouter au projet, en tenant compte de qui a été déjà fait et n'est pas suffisant et en ajoutant de nouvelles mesures capables de répondre aux engagement du pays en la matière. Mais il faut élaguer l'arbre des suggestions. On ne peut pas se satisfaire de la notion de décroissance, brandie par nombre d'écologistes, alors que notre unique espoir d'empêcher l'effondrement économique, c'est la croissance.
Le retour de l'ISF
Il est impossible, par ailleurs, de fonder quelque modèle que ce soit sur le non-remboursement de la dette que nous avons accumulée allègrement, mais à bon escient, pour ne pas répéter l'erreur commise en 2008-2009, laquelle a consisté, après que nous avons été ruinés par la crise des subprimes, à ne pas disposer de personnels qualifiés, ceux qui avaient été licenciés, pour accompagner l'indispensable reprise. Il est mensonger de dire que nous pouvons emprunter sans rembourser, de même qu'il est faux de croire que le remboursement d'une dette ne peut se produire que si nous accumulons des excédents. Il existe d'autres voies pour parvenir au même résultat : calculée sur son rapport au produit intérieur brut, la dette diminue grâce à une légère inflation, à une forte croissance et au plein emploi. Si elle est de 115 % pour un PIB de 2 500 milliards, elle retombera à un niveau plus bas si la croissance, en 2021, est de 5 % par exemple, soit un PIB de 2 625 milliards.
Une autre exigence de l'opposition, c'est le retour de l'Impôt sur la fortune (ISF). Effectivement, il ne dérangera jamais ceux qui ne le paient pas. Mais il portera atteinte immédiatement à la réputation internationale de la France, qjui est assez bonne aujourd'hui pour qu'elle emprunte à un taux proche de zéro et qu'elle soit considérée par les investisseurs comme un pays attractif. Le gouvernement a déjà fait une partie du chemin en payant très cher, et avec les deniers de l'État, la disponibilité d'une force de production qualifiée. Il ne peut pas, aujourd'hui, continuer à financer le chômage technique. En revanche, il doit donner aux entreprises toute la liberté requise pour qu'elles produisent, vendent et exportent. De la même manière, il ne doit pas augmenter les impôts pour payer la dette, ce serait suicidaire, car cela signifierait une diminution du pouvoir d'achat des Français.
Je ne sais pas si va se créer un monde d'après spontané, enfanté par la crise sanitaire. Ce dont vous et moi pouvons être certains, c'est que nos vieilles lunes risquent d'achever notre pays si affecté par le fléau de 2020. Il me semble que la priorité est de regarder, sans se voiler la face, la réalité sombre de l'après-crise. Et de travailler dur, saperlipopette ! Le travail n'a jamais été une idée négative.