Conscient que l'article 24 apparaissait comme une dérive vers un contrôle de la presse, laquelle s'est insurgée contre le dispositif, le gouvernement s'était pourtant engagé à la réécriture du texte. Il a été adopté à l'Assemblée nationale et, après quelques palabres, il doit être transformé par le Sénat. Mais le mal est fait. Il ne faut pas beaucoup de raisons pour que des Français manifestent, il n'en faut aucune pour que des casseurs s'en prennent aux voitures et aux vitrines, comme cela s'est passé le 5 décembre. À noter que les manifestations en province, ont été, elles, exemplaires.
Mais le pays peut-il supporter, après les gilets jaunes, le Covid et ses conséquences économiques, de nouvelles atteintes à sa force de production ? Les pouvoirs publics sont confrontés à un défi de première grandeur. Jamais dans une France affaiblie par le comportement stérile des syndicats, un gouvernement n'a eu à résoudre un problème de cette ampleur historique. Il a négocié les modalités du déconfinement avec une minutie qui a mis hors d'eux les patrons de restaurant, de bistrot et de bar proches de la faillite et qui n'ont certainement pas besoin que des blacks blocs démolissent leur gagne-pain, ainsi que les dirigeants de stations d'hiver et des lieux de culte. Le président de la République est contraint, presque tous les jours, à jurer qu'il ne se préoccupe que de protéger la santé de ses concitoyens et qu'il n'a pas été élu pour leur empoisonner la vie.
On lui répond qu'il y a « trous dans la raquette » ou que ses mesures sont contradictoires, par exemple le fait qu'on puisse utiliser les transports publics mais qu'on ne puisse pas se retrouver en famille pour Noël. Il n'est pourtant pas difficile de comprendre l'objectif de nos dirigeants : assurer peu ou prou l'activité économique tout en empêchant la contamination. Ce à quoi il semble être bien parvenu, avec un nombre de cas quotidiens de contagion en baisse, un nombre de décès qui se réduit et un désengorgement des hôpitaux. Depuis le début de la pandémie, il y a eu deux pics, deux confinements et deux déconfinements. Certes, la campagne de vaccination nationale est proche, mais en attendant, il est souhaitable et même impératif d'empêcher qu'elle se déroule dans un climat de panique.
Chemins de traverse
Il n'est pas du tout incongru que les personnels politiques, que l'opinion, que les Français en général s'intéressent aux libertés dont ils bénéficient grâce à un système dont on semble avoir appris tout récemment qu'il garantit le fonctionnement de notre démocratie, lequel a été souvent conspué par des partis, comme la France insoumise, qui exigent la disparition de la loi Sécurité globale. Elle demeure pourtant indispensable et elle n'a pas besoin d'être enveloppée dans une pantomime politicienne qui exprime moins l'aspiration aux libertés que les chemins de traverse susceptibles de mettre en danger la majorité.
Il n'existe aucun moyen de régler les différends entre les partis par la violence. Celle-ci n'a pour but que déstabiliser le régime et même le mettre à bas pour que le pays change de système par de nouveaux scrutins ou par un référendum. On peut tout dire de ce gouvernement qui marche à tâtons dans un paysage obscurci par le virus, par la fumée des gaz lacrymogènes et par des perspectives forcément mauvaises pour autant qu'on puisse les définir. Mais on ne peut pas nier que nous avons besoin de la sécurité offerte par Sécurité globale et par Renforcement des principes républicains, loi décrite comme un instrument contre le terrorisme. C'est peut-être une fatalité, mais les pouvoirs publics se battent sur un triple front : pandémie, affaiblissement économique et divisions nationales qui rendent sa tâche pratiquement impossible à accomplir. Les partis d'opposition devinent que la bête essoufflée ralentit sa course. Ils sonnent l'hallali. Mais ils n'ont pas l'ombre d'un programme de rechange.