Cette révélation est soutenue par l'attitude la Chine : c'est de son territoire qu'est partie l'épidémie, mais au moment où ses dirigeants estiment avoir passé le pic de contamination, ils redoutent de subir une nouvelle vague de contagion à partir des étrangers revenus sur le territoire chinois. En déclenchant une inquiétude, pour ne pas dire une panique, mondiale, le Covid-19 renforce une analyse qui résultait d'une sorte de lassitude à l'égard de la mondialisation : personne n'est vraiment certain, aujourd'hui, qu'il faille délocaliser les entreprises européennes. Le prix de revient des marchandises fabriquées en Chine a augmenté avec l'inévitable hausse des salaires. À l'heure critique de la protection de la planète, il devient absurde et contre-productif de faire voyager certains biens de consommation et la consommation elle-même est remise en question.
Les populations des pays industrialisés constatent que le coronavirus les oblige à respecter une discipline quotidienne dont les principaux éléments sont la réduction obligatoire du nombre de calories absorbées chaque jour, le retour à des conditions de vie peut-être moins confortables mais indispensables à la fois à notre santé et à notre budget familial, et l'impression qu'il existe dans nos achats une liste de produits qui ne sont pas nécessaires. Rien ne nous oblige à aller chercher en Asie ou dans quelque pays lointain les aliments ou les objets dont nous devenus friands même s'ils ne sont pas de première nécessité. Pour le coronavirus, l'Italie, par exemple, a érigé une muraille sanitaire qui englobe la Lombardie et la Vénétie : l'épidémie favorise les frontières intérieures.
L'espoir vient de la vigueur nationale
C'est bien entendu Donald Trump qui a la responsabilité de cette nouvelle tendance. Il ne pense qu'à construire un mur entre le Mexique et les États-Unis ; il se bat contre la Chine et l'Europe sur le plan commercial ; il conclut avec les Taliban un accord de paix qui n'a pas tenu trois jours mais qui lui sert de prétexte au rapatriement des troupes américaines. Chinois et Européens négocient avec Washington pour que la sentence ne soit pas trop sévère, mais ils commencent à savoir que, quoi qu'ils fassent, le changement d'ère est peut-être inéluctable et que, dans ces conditions, il vaut mieux compter sur soi-même. Peut-être suis-je trop prompt à déceler les symptômes de la démondialisation, peut-être n'annoncent-ils pas une révolution. Mais, dans la crise sanitaire, l'espoir ne vient que de la vigueur nationale. Nous souhaitons bonne chance aux Italiens, nos amis et nos frères, mais nous ferons tout ce que nous pouvons pour ne pas passer au stade 3 de l'épidémie, ce qui, pourtant, nous pend au nez.
D'une certaine manière, le coronavirus conforte les politiques populistes : ils nous l'avaient bien dit, le Rassemblement national, les électeurs trumpistes et Boris Johnson, que le salut d'un peuple dépend non des alliances contre-nature (c'est ainsi qu'ils les voient) mais du génie national ! Mais les flux et reflux de la géopolitique ne sont pas simplistes : chaque vague apporte ses sédiments et les laisse sur place.
Nous avons été assez influencés par la mondialisation pour que notre horizon soit durablement élargi. Elle nous a coûté assez cher en termes d'emploi et de désindustrialisation pour que nous puissions l'oublier. Elle fait partie de notre histoire et de notre culture. Le monde est notre espace, celui vers lequel on vole désormais, puisque le voyage est facile et à la portée d'un nombre plus élevé de touristes. Là aussi, les spécialistes de l'hôtellerie et de la restauration font remarquer qu'un jour perdu n'est jamais rattrapé et que la démondialisation, c'est aussi des pertes d'emplois, l'appauvrissement, la fin d'un cycle prospère. Il n'empêche, le mouvement existe et fonctionne à la manière du principe d'Archimède : on assiste à une poussée de fond contre la mondialisation.