Le plus choquant, dans le débat politique, c'est d'entendre la critique philharmonique assassiner tous les jours Macron, son gouvernement et ses relais politiques, alors que, ceux qui par définition n'exercent pas le pouvoir ne peuvent pas prétendre qu'ils s'en seraient servis d'une manière plus efficace que lui. Qui savait quoi ? Il est d'autant plus facile de comprendre que personne ne savait rien que la plupart des gouvernements ont pris des décisions différentes, d'ailleurs davantage dictées par leur idéologie que par leur pragmatisme. Le Chine a caché l'ampleur de l'épidémie ; la médecine française elle-même a été chamboulée par le défi pandémique, car non seulement elle devait acquérir de nouvelles connaissances pour faire face, mais elle devait inventer les techniques qui ont permis aux Français dans leur ensemble de survivre au virus. Alors, quand les partis politiques se mettent à faire leurs suggestions, quand ils émettent leurs jugements, tout imprégnés de leurs arrière-pensées politiciennes, quand ils donnent de mauvaises notes au pouvoir, l'affaire tourne à la pantalonnade.
Car ils peuvent seulement prétendre qu'ils auraient mieux fait, ce qui est théorique et donc incertain, alors que l'exécutif agit et qu'il n'y a personne d'autre pour le faire. Les Français trouvent leur confort dans la critique permanente, il est bien peu probable qu'ils préfèreraient tout de suite que l'on changeât de stratégie. On a vu à quelle mascarade ont conduit les biais contenus dans deux études sur l'hydroxychloroquine publiées par le « Lancet », revue qui a laissé son prestige dans l'affaire et les a rétractées, puis la publication de nouvelles éudes qui ont émis de sérieuses réserves sur l'efficacité de ce médicament, pendant que se poursuivait la mise à mort mondiale de l'erreur insigne commise par le « Lancet », alors qu'elle méritait peut-être un peu de considération. On en rirait presque si l'on n'était scandalisé par cet immense pataquès qui n'a plus la moindre signification bien que le débat se résumât à une question de vie ou de mort.
La foi du charbonnier
Le pire, dans ces contradictions ridicules, c'est que la foi du charbonnier, furieusement mise à l'épreuve, n'empêche pas la création de camps, ou de clans, qui s'adonnent, avec une coupable persistance, à la joie élégiaque que procure la conviction. Personne ne dit que le gouvernement a fait sa mue, que, parti du libéralisme, il en est arrivé, sous la pression d'événements terribles, à distribuer de l'argent à tout va, qu'il n'est plus ce qu'il était il y a six mois, qu'il a pris des dispositions que n'auraient pas reniées un gouvernement d'extrême gauche ou un gouvernement socialiste, ce qui n'empêche personne de traiter Macron comme l'on traite Bolsonaro ou Trump ou Boris Johnson. Pourquoi ne pas admettre, à la faveur d'une pulsion pragmatique, qu'il n'y avait pas d'autre choix que le déconfinement et qu'ensuite, il n'y avait pas d'autre choix de remettre au pays au travail pour combler ses pertes astronomiques ?
Mais non, on a préféré faire croire qu'il était possible de ne pas confiner, donc de tuer délibérément des concitoyens, ou de confiner plus longtemps, d'avoir les masques que n'ont pas achetés Sarkozy ni Hollande, bref que les partis qui n'ont pas été au pouvoir au moment de la pandémie étaient les mieux indiqués pour la gérer bien, qu'ils fussent tout aussi pris au dépourvu que les gestionnaires actuels ? Que la judiciarisation de la politique constitue une faute qui conduit à l'anarchie et servira uniquement à exposer la désuétude de la Cour de Justice de la République ? Et qu'il y a, dans une période où l'on ne s'est jamais autant indentifié au gaullisme et à la solidité de la Constitution, un maximum de mépris pour les gens au pouvoir, la recherche d'une vengeance que l'on ne trouve que dans les urnes et que l'on situe au tribunal ? On est en train de nous jouer de nouveau le grand air d'opéra du Sida, celui-là même qui a conduit devant des juges des hommes et des femmes dont la responsabilité était nulle. En France, on chante toujours le même air, celui de la Marseillaise. Mais tout le monde la chante, même les anti-républicains et les anti-démocrates.