Les forces hostiles à la violence policière, mais aussi à l'ordre, il faut en convenir, l'ont prouvé au moins trois fois ces derniers jours : lorsque des associations ont réuni des centaines d'immigrés afghans à Paris qui ont été dispersés manu militari et donc sans ménagements, lorsque trois policiers s'en sont pris avec une rage indescriptible à un passant auquel ils auraient adressé des insultes racistes, et lorsque, pour riposter à cette intervention scandaleuse, les manifestants ont été, de nouveau, débordés par des casseurs qui ont déclenché une série d'emeutes.
Il est logique et même souhaitable que des citoyens réclament le maintien de leurs droits quand ils leur semblent menacés. Il est insupportable qu'ils le fassent en commettant des actes délictueux ou criminels. Cependant, la violence des extrémistes, black blocks ou autres, apporte à son tour une justification au dessein du pouvoir de les combattre avec plus d'efficacité. Les policiers enragés détruisent tout programme destiné à éliminer la violence dans les manifestations ; des émeutiers professionnels rappellent à ceux qui seraient tentés de l'oublier que la société française ne doit pas tolérer l'anarchie.
Le problème vient de ce que cette nouvelle crise politique renforce le marasme créé par les précédentes. Elle arrive en effet dans un contexte d'extrême lassitude des Français face à la pandémie et au confinement porteur de pertes d'emplois et de pauvreté. Personne ne pouvait prévoir qu'un trio d'imbéciles en uniforme se conduirait de la sorte, mais les pouvoirs publics savaient que les braises laissées par les incendies précédents se transformeraient en feux ravageurs à la première occasion. C'est dans ce contexte que la loi sur la Sécurité globale a été écrite et proposée au Parlement. Ici et là, et pas seulement dans l'opposition, on y a vu une provocation. On a dit ce qui n'est pas faux : que nous disposons déjà d'une législation qui nous permet de lutter efficacement contre tout débordement anti-policier.
L'article 24 au cœur du conflit
Si le pouvoir était séduit par cette proposition de loi, c'est parce que son adoption aurait donné un gage aux forces de l'ordre, exténuées, sous-payées et confrontées effectivement à des téléphones-caméras qui les ont souvent discréditées. Mais, dans ce domaine, toutes les initiatives du gouvernement se retournent contre lui. On lui fait même un procès en dictature. Ceux qui s'engagent dans ce genre de qualification outrancière ne semblent pas mesurer leur ridicule. Ils feraient mieux d'aller voir du côté d'Ankara ou de Moscou. Ils sont même suspects dans la mesure où, dans leurs projets, il y a le changement de République. Il n'empêche : la presse française doit rester totalement libre, elle n'a aucun compte à rendre au pouvoir en place, et, de toute façon, vous ne pouvez pas interdire l'usage du téléphone cellulaire.
L'article 24 de la loi Sécurité globale est au cœur du conflit. Le Premier ministre Jean Castex, voulait désigner une commission pour réécrire cet article. Tollé dans les deux chambres parlementaires, Gérard Larcher (Sénat, LR) et Richard Ferrand (Assemblée, REM) étant d'accord pour exiger de l'exécutif qu'il laisse les élus décider du contenu et du sort de la loi. Ce que M. Castex a aussitôt accepté, démontrant par cet aller-retour qu'il n'avait pas prévu la réaction de la représentation nationale. L'ensemble des faits, le très curieux paradoxe qui fait que la violence des citoyens ne peut pas et ne doit pas être combattue par la seule violence des policiers, la gestion chaotique de l'affaire par le gouvernement, l'affaiblissement notoire du Premier ministre, tout cela contribue à ralentir l'action gouvernementale, d'autant que tout le monde s'y est mis pour ignorer les institutions.