Rappel des appareils Philips

Les patients entre vigilance et inquiétude

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Publié le 27/05/2022
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Le Pr Fréderic Gagnadoux (Angers) estime que, pour l’instant, il n’existe pas de « signal réellement alarmant » quant aux appareils de PPC et de ventilation Philips. Mais « les patients vivent très mal le fait de continuer à utiliser une machine dans laquelle ils n’ont plus confiance », constate Christian Trouchot (FFAIR).
Le fabricant peine à remplacer 5 millions d’appareils

Le fabricant peine à remplacer 5 millions d’appareils
Crédit photo : phanie

« Pour l’instant, nous n’avons pas de signal réellement alarmant. Il faut bien sûr continuer à explorer davantage cette possibilité de surrisque. Mais le message à délivrer aux patients est de ne surtout pas arrêter leurs traitements », explique le Pr Frédéric Gagnadoux, chef du service de pneumologie du CHU d’Angers qui, comme tous les pneumologues, suit attentivement la crise ouverte par le rappel des ventilateurs et des appareils de pression positive continue (PPC) de marque Philips. « Au niveau mondial, 5 millions de machines sont concernées. En France, cela touche 370 000 appareils de PPC et 26 000 de VNI », précise Christian Trouchot, président de l’association des insuffisants respiratoires et des apnéiques du sommeil (Airas) qui suit le dossier pour la Fédération des insuffisants respiratoires (FFAIR).

Une mousse en cause

C’est au printemps 2021 que les autorités françaises ont été informées par la société Philips de sa volonté de rappeler, au niveau mondial, certains appareils de ventilation mécanique, suite à l’identification d’un possible problème de conception de la mousse insonorisante présente dans ces dispositifs médicaux. « Selon les premières analyses du fabricant, l’exposition à cette mousse pourrait provoquer dans certains cas des effets immédiats : irritation (peau, yeux et voies respiratoires), réaction inflammatoire, céphalées, asthme. D’après le fabricant, une exposition à long terme serait susceptible d’entraîner des effets indésirables sur d’autres organes et un risque cancérigène », précisait l’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM), qui a très vite réuni les sociétés savantes concernées et les associations de patients.

À ce jour, très peu de travaux ont été publiés pour documenter le surrisque potentiel lié à cette mousse. « Une première étude a été publiée par une équipe canadienne, dans ‘l’American journal of respiratory and critical care medicine’. Elle porte sur plusieurs milliers de patients, traités avec des appareils Philips pendant une médiane de cinq à six ans. Les auteurs ont comparé le risque de cancer entre eux et un groupe de patients traités avec des appareils d’une autre marque. L’étude ne met pas en évidence de surrisque », indique le Pr Gagnadoux.

Une autre étude, scandinave, a été publiée dans « l’European Respiratory Journal ». « Dans ce travail, le nombre de patients est plus important, mais le niveau d’information à leur sujet est plus faible. En Scandinavie, le choix des appareils de ventilation et de PPC se fait en fonction des régions. L’étude compare, à partir de données administratives, les patients habitant dans des régions à forte utilisation d’appareils Philips avec ceux vivant dans des régions où les appareils d’autres marques sont majoritaires. Les auteurs ont comparé le surrisque de cancer, la consommation de médicaments bronchodilatateurs, de corticostéroïdes ainsi que le nombre d’hospitalisations pour dégradation et de décompensation de BPCO », explique le Pr Gagnadoux.

Des travaux à poursuivre

L’étude suggère une augmentation de la consommation de bronchodilatateurs et de corticostéroïdes inhalés, pouvant potentiellement être liée à une dégradation du contrôle de la maladie respiratoire chez les patients utilisant des appareils Philips. « L’étude suggère aussi un surrisque de cancer, mais ce travail présente quelques approximations. Il compare des régions qui ne sont pas forcément comparables entre elles et il n’y a pas d’informations sur la consommation de tabac ou d’alcool chez les patients. Après un ajustement avec les différents facteurs pouvant potentiellement avoir un impact, le surrisque de cancer disparaît ; mais il persiste peut-être un petit surrisque de consommation de bronchodilatateurs », indique le Pr Gagnadoux.

Avec son équipe, ce dernier a lui aussi conduit une étude, non encore publiée, avec des patients de la cohorte Sommeil dans les Pays de la Loire. « Notre cohorte ressemble à celle du Canada, avec 4 500 patients utilisant des appareils depuis sept ans en médiane. À la différence des Canadiens, nous avons des données sur l’observance des traitements. Nous n’avons pas non plus observé de surrisque, y compris chez les malades les plus observants », souligne le Pr Gagnadoux.

Une situation difficile

Du côté des patients, la situation n’est pas toujours simple à vivre. « Nous comprenons la difficulté pour Philips de remplacer cinq millions d’appareils dans le monde. Mais les patients sont un peu entre le marteau de la pathologie et l’enclume de la machine, estime Christian Trouchot. Ils savent que l’observance est cruciale mais, en même temps, ils vivent très mal le fait de continuer à utiliser une machine dans laquelle ils n’ont plus confiance. Aujourd’hui, nous recevons de témoignages de patients qui affirment présenter tel ou tel problème de santé, possiblement en rapport avec la mousse des appareils. Mais il faut être très prudent. Car chaque cas doit être documenté pour voir s’il existe un lien médical entre le problème évoqué et la machine ».

Exergue : « Nous sommes entre le marteau de la pathologie et l’enclume de la machine »

Entretien avec Pr Frédéric Gagnadoux (CHU d’Angers) et Christian Trouchot (FFAIR)

Antoine Dalat
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Source : lequotidiendumedecin.fr