Les URPS médecins libéraux écartées du Ségur : « un déni de démocratie sanitaire », dénonce le Dr Arramon-Tucoo

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Publié le 22/06/2020
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Président de la conférence nationale des URPS-ML (Unions régionales des professionnels de santé médecins libéraux), le Dr Philippe Arramon-Tucoo dénonce la « mise à l'écart » des praticiens élus par leurs pairs au Ségur de la santé. Une situation « inadmissible » alors que le gouvernement veut réorganiser les soins dans les territoires.

LE QUOTIDIEN : Malgré votre requête, les URPS médecins libéraux sont écartées en tant que telles des concertations du Ségur de la santé. Vous êtes en colère ?

Dr PHILIPPE ARRAMON-TUCOO : Oui, cela me déplaît beaucoup car les praticiens libéraux sont mis de côté. Le gouvernement souhaite réorganiser les soins dans les territoires. Or les structures ad hoc qui gèrent les soins sur le terrain – les URPS – ne sont même pas invitées ni consultées à ce titre ! C'est incompréhensible, il y a un déni de la démocratie sanitaire, qui devient d'ailleurs un terme galvaudé. Cela montre bien l'intérêt que l'on porte à une réforme efficace du système de soins et aux médecins sur les territoires…

Quel regard portez-vous sur ce Ségur ?

Je suis très circonspect. Comment imaginer refonder l'organisation de la santé en deux mois ? Cela paraît invraisemblable et ressemble une fois de plus à une mascarade de démocratie sanitaire. Face au rouleau compresseur de l'hospitalocentrisme, peu de place est laissée en réalité aux médecins libéraux alors qu'ils sont en première ligne. La santé, ce n'est pas que l'hôpital ! Celui-ci est un lieu d'excellence et de recours mais il ne doit pas sortir de son rôle. Ma crainte est qu'à force d'étouffer la médecine libérale, on finisse par la faire mourir.

Et quand on voit aussi le contenu de certaines propositions, comme la Mutualité qui suggère de diminuer la rémunération des médecins en solo, on touche le fond !

Quelles sont les mesures prioritaires pour vous ?

Nous souffrons d'un manque de décentralisation de la santé. Les agences régionales de santé (ARS) sont très critiquées mais elles ne sont que l'émanation du centralisme puisqu'elles sont sous le joug de directives nationales. Il faut laisser davantage de marges de manœuvre aux régions. Pendant la crise, on s'est bien rendu compte qu'on ne pouvait pas appliquer les mêmes règles sans différenciation. De manière générale, les ARS doivent être "facilitatrices" et "accompagnatrices" de projets alors qu'elles sont souvent ressenties comme des freins, avec un manque d'enthousiasme qui se répercute sur les acteurs de terrain.

Ces marges de manœuvre régionales doivent être équilibrées par un contre-pouvoir des URPS, des fédérations hospitalières, des associations de patients et des élus locaux. Sur l'offre de soins territoriale comme sur les autorisations d'activité, le pouvoir ne doit pas être laissé tout entier aux directeurs d'ARS, qui prennent parfois des décisions unilatérales contre l'avis général. C'est dommage car on passe à côté de projets intéressants ; au final cela est délétère pour les patients et leur prise en charge.

Sur l'organisation territoriale, quelle est votre vision ?

Le constat d'échec de certaines organisations inefficientes a été fait avec la crise. Pourtant, cela repart de plus belle comme avant, notamment aux urgences avec la bobologie. Il y a pourtant des solutions comme le fait d'instaurer une régulation libérale par le 15 ou un autre numéro spécifique – comme le 116-117. Avoir un numéro pour différencier les urgences graves de la bobologie ne me choque pas. On doit mettre en place et valoriser une organisation de la prise en charge des soins non programmés.

Des outils numériques existent – prise de rendez-vous en ligne, messagerie partagée – et permettraient de désengorger les urgences. Sur les soins non programmés, une prise en charge de l'ordre de quatre patients par semaine et par médecin libéral serait absorbable, surtout avec l'essor de la télémédecine. Mais il faut une volonté politique derrière !

Enfin, nous ne sommes pas défavorables aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) mais il faut que ces groupements restent à la main des médecins de terrain. Idem pour les équipes de soins primaires ou spécialisés : si c'est pour les enfermer sous une cloche administrative ou hospitalière, ce n'est pas la peine.

Propos recueillis par Marie Foult

Source : lequotidiendumedecin.fr