La réglementation des honoraires médicaux, au XVIIIe siècle comme de nos jours, était parfois du ressort de la justice. J’en ai trouvé une preuve assez curieuse dans le dossier qui concerne la peste de 1720 à Aix.
À la date du 10 septembre, alors que l’épidémie sévissait dans cette ville depuis quelques semaines (elle avait éclaté le 1er août), les registres du Parlement nous apprennent que les professeurs en médecine avaient exigé de la ville, par un contrat passé avec les consuls, une rétribution de 1 000 livres par mois pour visiter les malades. Les médecins des infirmeries touchaient 1 200 livres par mois pour visiter les malades et c’est peut-être cet exemple qui les avait engagés à se servir de leur titre officiel pour obtenir des avantages à peu près semblables. Ils étaient arrivés à leurs fins et le contrat avait été conclu le 6 septembre à la suite d’une délibération de la Cour autorisant cette démarche.
Il est permis de croire que l’émotion qu’elle provoqua fut assez vive, non seulement dans le corps médical, mais aussi dans le monde officiel puisque, le 10 septembre, le Procureur général du Roi s’en fait l’interprète devant la Chambre des Vacations. Il représente « qu’il est venu à sa connaissance que les Professeurs en médecine prétendent d’être libres dans leur art et de ne point visiter les malades sans une rétribution exorbitante, puisque les consuls de cette ville ont même été obligés de passer un contact en leur faveur le sixième du courant, portant mil livres d’appointements par mois à chacun des quatre Professeurs ; que c’était là une inhumanité sans exemple, et comme la défense et les intérêts des communautés toujours pupilles résident principalement en leurs bouches, il était appelant de la délibération portant permission de passer ce contract ».
La Chambre fit droit à la requête du Procureur ; elle cassa la délibération qui avait été prise et le contrat passé en conséquence par les Consuls en faveur des Professeurs. Elle enjoignit à ces derniers « de visiter toutes sortes de malades tant dans la ville que dans les fauxbourgs au moment qu’ils en seront requis, sous les salaires ordinaires à peine d’être privés de leurs chaires de Professeurs et être pourvus par la Cour, et par manière de provision sous le bon plaisir du Roy, d’être déclarés indignes d’exercer à l’advenir la médecine et d’y être condamnés à l’amende portée par l’arrêt du cinquième du courant ».
L’arrêt auquel il est fait allusion avait été pris à la suite du refus de quelques médecins de la ville d’aller visiter les malades. La Chambre avait ordonné « à tous les médecins de cette ville, apothicaires et chirurgiens, de visiter les malades lorsqu’ils en seront requis, à peine de 1 000 livres d’amende, sans qu’elle puisse être censée comminatoire, et s’il arrive que dans la visite qu’ils feront desdits malades ils en trouvent quelques-uns qu’ils puissent soupçonner d’être atteints du mal contagieux, leur enjoint d’en avertir les Consuls de cette ville pour les faire visiter par les médecins des infirmeries et être les malades transportés aux lieux destinés ».
Les Professeurs Guéridel, Fouque et Rouard avaient comparu devant la Cour et déclaré vouloir remplir leurs fonctions sous les salaires ordinaires. L’arrêt de la Cour dut être signifié à Joannis et Mignard qui étaient absents pour cause légitime.
Le salaire ordinaire était de 5 francs par visite pour les médecins et de 4 francs pour les chirurgiens. C’était, du reste, le taux des visites médico-légales, tel qu’il fut définitivement réglé par le Roy le 23 janvier 1742 et qui diffère beaucoup du prix des visites médicales ordinaires, puisque ce dernier, vers la même époque, n’était que d’un quart d’escu blanc pour les médecins.
Le « Contrôle des sommes payées à l’occasion de la contagion » par la ville d’Aix nous montre que les Professeurs comme les autres médecins reçurent leurs honoraires d’après ce tarif. Le 5 novembre 1720, la ville paya 810 livres au sieur Arnaud, médecin, pour 162 visites, 220 livres au sieur Mignard pour 44 visites,80 livres au sieur Fouque pour 16 visites, 215 livres à M. de la Rouvière pour 45 visites, etc.
Le 4 août, les sieurs Begue, Fouque et de la Rouvière, médecins, avaient reçu 18 livres pour « leurs honoraires de la visite qu’ils avaient faite au sieur Fabry ». Cette visite était-elle plus éloignée, ou bien les médecins avaient-ils profité du début de l’épidémie pour élever le prix de leurs honoraires, c’est ce qu’il est difficile à établir. Je ne retiens de ce fait que l’intervention de la Cour de Parlement dans la réglementation des honoraires médicaux que nos confrères avaient cherché à surélever.
(Dr Alezaïs, médecin des hôpitaux de Marseille, dans le « Bulletin de la Société française d’histoire de la médecine, 1902)
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