Au départ, la convention médicale se voulait être un jeu gagnant-gagnant : l'État voulait permettre des soins médicaux pour tous, donc à faible coût ; versus pour les médecins, un faible niveau des honoraires imposé en échange du paiement en catimini de la plus grande part des frais sociaux : URSSAF, assurance maladie et retraite directement payées par les CPAM en place des médecins conventionnés. Avec une épée de Damoclès pour les médecins (ce qui déséquilibrait ce jeu gagnant-gagnant contre les médecins) : celui qui refuse le jeu se voit doublement gravement pénalisé : pas de prise en charge des frais sociaux, et pénalisation du patient qui n'est plus remboursé sauf franc symbolique, remboursement obligatoire oblige.
Mais il y avait une deuxième épée de Damoclès non pensée, pour équilibrer le jeu, mais qui elle a agi : si le jeu marchait trop bien, il y avait risque de dérapage des frais remboursables par les caisses : frais d'honoraires, auxquels se sont rajoutés les frais liés aux progrès de la technologie médicale, ces derniers n'ayant pas été anticipés par nos politiques. Bien évidemment, la cause du dérapage fut la croissance des honoraires médicaux ; dans quel pays du monde un individu peut-il se permettre de se procurer gratuitement une boîte de paracétamol à 1,12 € en coûtant à la société 23 € sans avancer un seul centime ! Nous en connaissons tous, les médecins sont donc les coupables tout désignés, c'est d'une logique implacable.
Moins de médecins, moins de frais à rembourser…
Pour combattre cet imprévu, l'idée première et géniale, fut de penser que s'il y avait trop d'honoraires à rembourser, la solution politique évidente était que s'il y avait moins de médecins, il y aurait moins de frais à rembourser ! Quel politique a eu cette idée folle ? Il ne se dénoncera certainement pas ; idée inefficace à court terme, car c'est oublier que pour les besoins des hôpitaux, les étudiants en médecine ont appris à faire en un jour et demi d'affilée, grâce aux gardes, une semaine de 36 heures ; et perverse à long terme avec la désertification actuelle.
Une autre idée a alors germé : les honoraires médicaux furent (selon les politiques) l'épée de Damoclès contre la bonne Sécurité Sociale, il fallait donc les supprimer ! Après l'idée de suppression des médecins, vint l'idée de suppression des honoraires des médecins ! C'est une vraie maladie politique : on veut offrir les soins pour tous et gratuit, et comme ça coûte trop cher, on s'en prend aux médecins !
Le jeu conventionnel a donc changé, les revenus des médecins ne sont plus leurs honoraires, négociés avec la SS, mais l'enveloppe globale votée par les politiques avant négociation des médecins avec les caisses. Quoi alors dans ce cas, négocier avec la SS ? Nous avons à faire à des petits malins ; l'enveloppe globale, ce n'est plus les honoraires, mais aussi les primes de fin d'année pour bonne conduite dite de santé publique, mais aussi, il ne faut pas l'oublier la prise en charge par la SS de la plus grande part des frais sociaux des médecins ; qui d'ailleurs est capable de dire la valeur de ce troisième groupe ? Chut, c'est un secret, car si le peuple français apprenait qu'on le trompe, que l'on paye en catimini les frais des médecins pour diminuer le coût de la vie et le vrai coût de la santé, comment réagirait-il ? Mais au fait, avec l'absence d'inflation actuelle et surtout le tiers-payant obligatoire, ce camouflage n'a plus de raison d'être, on pourrait mettre le prix de la consultation à 40 €, et en échange équivalent, les médecins paieraient eux-mêmes la totalité de leurs charges sociales, ce qui serait sans doute plus conforme au droit européen. Ah, j'oubliais, il n'y aurait plus de contreparties conventionnelles aux obligations des médecins… pour faire obéir les médecins…
Rien à négocier…
Donc, les négociations conventionnelles sont un jeu de dupes pour les médecins ; il n'y a rien à négocier, sauf une répartition par jeu de vases communicants d'une somme fixée à l'avance par les politiques, et des contraintes administratives supplémentaires, pour le même prix. C'est curieux, d'ailleurs, qu'aucun syndicat médical n'ait proposé de mettre la consultation de base du médecin à 28 € (par exemple), en échange d'une diminution de la prise en charge par les caisses des cotisations retraite des médecins ; pourtant, ce qu'ils proposent de signer, c'est la même chose, ce qui leur permet d'être contents, comme si les médecins étaient trop bêtes pour se rendre compte…
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