Réclamée de longue date, la réforme du financement des syndicats représentatifs des professionnels de santé libéraux est inscrite dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021. L'article 42 de ce document, dont Le Généraliste a eu copie, prévoit la « modernisation » du financement de ces organisations, notamment chez les médecins de ville, pour « soutenir leur participation à la vie institutionnelle ».
Cet article, qui doit encore être complété par des décrets d'application, pose les bases d'un nouveau modèle qui ne conditionnerait plus le financement des syndicats médicaux par l'Assurance maladie à la signature de la convention médicale. Et amènerait les médecins libéraux à cotiser — indirectement — au financement de l'ensemble des syndicats représentatifs.
Un nouveau fonds au sein de la Cnam
En 2017, une enveloppe d'environ 2,7 millions avait été répartie par l'Assurance maladie entre l'ensemble des syndicats signataires de la convention médicale (selon plusieurs critères, dont le poids électoral). Cette somme a été versée aux syndicats par la Cnam pour financer la formation des médecins au contenu de ladite convention d’une part, et la formation de leurs cadres à la vie conventionnelle d’autre part.
L'article 42 prévoit de rebattre les cartes en proposant de créer, au sein de la Cnam, un fond qui serait organisé en deux sections : l'une servirait à soutenir les actions conventionnelles (dont l'aide au financement des procédures d'accréditation pour les spécialités des plateaux techniques qui peuvent bénéficier d'une aide à la souscription d'une assurance). L'autre financerait la représentation des professionnels de santé libéraux et indemniserait notamment la participation des cadres aux « concertations organisées par les pouvoirs publics ». Cette seconde section bénéficierait d'une dotation de l'Assurance maladie et serait alimentée par une « fraction de la contribution obligatoire versée par les médecins libéraux aux unions régionales des professionnels de santé ». Celle-ci, aujourd'hui plafonnée à 0,5 % du montant annuel du plafond des cotisations de la Sécurité sociale, représente environ 200 euros par an pour un généraliste.
Les médecins demandent à voir avant de crier victoire
Si elle reste à préciser, cette évolution du financement des syndicats, attendue depuis plusieurs années, est plutôt bien accueillie par le président de la CSMF. « Nous demandons depuis plusieurs années que les fonds de formation à la vie conventionnelle ne soient pas réservés aux seuls syndicats signataires », analyse le Dr Jean-Paul Ortiz.
Le syndicaliste souligne que cette réforme aurait dû se tenir en 2015 mais la ministre de la Santé de l'époque, Marisol Touraine, s'y serait finalement opposée, en rétorsion aux syndicats de médecins qui s'étaient opposés avec d'autres professionnels de santé libéraux à la loi santé qu'elle portait.
Cette réforme du financement syndical aurait le mérite, selon le Dr Ortiz, de préserver la liberté de signature des organisations et d'éviter ainsi tout conflit d'intérêts. « Certains syndicats ont assumé par le passé d'avoir signé la convention pour toucher les fonds, ce n'est pas sain. » Le syndicaliste observe que « dans tous les corps sociaux, l'État verse de l'argent », citant les centrales CGT, CFDT, FO…
Le « prix de la démocratie »
S'il est favorable à cette évolution, le Dr Philippe Vermesch, patron du SML, attend de voir le montant final qui reviendra aux syndicats. Il redoute un effet collatéral : que les médecins adhérents à un syndicat aient plus de mal à continuer à cotiser s'ils ont le sentiment de payer deux fois. « Il faut rappeler l'importance des syndicats qui défendent les adhérents et souvent aussi les non-adhérents, mais qui ont un rôle important aussi sur la convention collective des employés ou la retraite ! »
Le Dr Jacques Battistoni, président de MG France, fait lui preuve d'une prudence de sioux. « Je ne sais pas encore si cette réforme est une réelle avancée. Il faudra voir quelles sont les sommes sur la table et comment elles seront réparties. Ce qui est sûr, c’est que les syndicats ont un rôle important à jouer en matière d’organisation des soins et du système de santé. Il est donc logique qu’il y ait de l’argent pour le faire. »
Déjà très sollicités par une multitude de cotisations obligatoires (Urssaf, Ordre, Carmf, URPS…), les médecins libéraux verront-ils d'un bon œil cette nouvelle ponction ? « Certains râleront peut-être, observe le Dr Ortiz, mais la cotisation aux URPS est entrée dans les mœurs. Je ne crois pas que cela soulève de réprobation majeure. La très grande majorité des médecins sont conventionnés. Cela nécessite qu'un grand nombre d'entre nous prennent des engagements pour représenter et défendre la profession. C'est le prix de la démocratie », conclut le Dr Ortiz.
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