La crise des urgences aura particulièrement occupé le paysage médiatique en 2018, et la fin de l’année ne déroge pas à la règle avec le décès inexpliqué d’une femme aux urgences de l’hôpital Lariboisière à Paris.
La patiente a été retrouvée morte mardi matin, presque 12 heures après avoir été admise aux urgences de cet hôpital du Xe arrondissement. Elle a d’abord souhaité consulter dans un centre médical, mais ne pouvant pas être reçue, elle a été prise en charge lundi par les sapeurs-pompiers et conduite au service d'accueil des urgences de l'hôpital « vers 18 h 45 », selon l'AP-HP. « Elle a été accueillie par l'infirmière d'accueil et d'orientation, enregistrée dans le circuit de prise en charge du service et orientée dans un circuit court », concernant a priori les cas jugés les moins graves et nécessitant une simple consultation. « À 01 h 20, après avoir été appelée sans succès, la patiente est considérée comme étant sortie. Elle est retrouvée décédée vers 06 h 00 dans la salle d'attente du service d'accueil des urgences », relate le communiqué.
Deux enquêtes en cours
Un CHSCT (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) local extraordinaire s'est tenu le jeudi après-midi. Une enquête interne a été ouverte par l’AP-HP et l’ARS d’Ile-de-France. Elle sera codirigée par le Pr Dominique Pateron, président de la collégiale des urgences de l'AP-HP, et le Dr Pierre Charestan, chef du service des urgences de l'hôpital d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).
Elle vise notamment à « analyser le processus de prise en charge de cette patiente, sa conformité aux bonnes pratiques et aux recommandations », et « formuler (...) des recommandations plus générales sur le fonctionnement » des services d'urgence. « Les premières conclusions sont attendues tout début janvier 2019 », précise l'AP-HP. Le parquet de Paris a également ouvert une enquête « en recherche des causes de la mort », confiée au service de police judiciaire du Xe arrondissement.
Un service fréquemment saturé
Même si Agnès Buzyn a estimé au micro de France 3, qu’il ne s’agissait peut-être pas d’un « problème de moyens », mais « aussi peut-être d’un problème de procédure », cet évènement dramatique relance une nouvelle fois le débat sur les tensions dans les services d’urgences. Dans un communiqué, l’AP-HP rappelle que le service d'accueil des urgences de Lariboisière « est celui où le nombre de passages est le plus important de l'AP-HP avec près de 85 000 passages annuels et une progression de plus de 5 % depuis 2017 », et qu'un « plan est en cours de déploiement » avec des embauches à la clé, à la suite de « tensions cet été avec des fréquentations records de 350 passages par jour ». « C'est un service qui a l'habitude d'héberger des personnes la nuit, soit après un épisode d'alcool ou de toxicomanie ou juste des sans-abri », a expliqué le directeur Martin Hirsch jeudi sur France Inter, « quelque chose qui est à la frontière du soin et du social et qui est très compliqué à gérer ». Il a promis l'embauche de « quelqu'un qui puisse prendre en charge cette particularité ».
Des mesures d'urgence réclamées
Le premier syndicat de l'AP-HP, l'Usap-CGT, a tenu à rappeler que les urgences de Lariboisière sont « fréquemment en saturation », dénonçant dans un communiqué « le manque de lits et de moyens ». Quant à l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf), elle a réclamé un rendez-vous avec la ministre de la Santé, « afin de proposer et de trouver des solutions face à la saturation du système ». De son côté, l’Ordre des médecins a déploré « l’extrême difficulté » dans laquelle se trouve l’hôpital public et a apporté son soutien aux professionnels qui y exercent « dans des conditions périlleuses » et loué leur « professionnalisme et dévouement ». Dans son communiqué, le Cnom réclame aussi « des mesures d’urgence structurantes (…) afin de retrouver les voies d’un fonctionnement normal ».
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