Après 10 ans des bons et loyaux services en tant que généraliste dans la commune de Monnetier-Mornex (Haute-Savoie), le Dr Julie Caron-Mazet tire sa révérence. La praticienne déplaque pour changer de région et de carrière. « Je quitte la région pour la Bourgogne et de manière concomitante j’ai saisi l’opportunité de reprendre la direction scientifique d’Evolutis DPC », l’organisme de formation de la CSMF, explique le Dr Caron-Mazet. « Un concours de circonstances personnelles », mais qui traduit malgré tout une certaine lassitude de son exercice pendant une décennie. « Il est certain que si j’avais été très épanouie dans mon exercice de médecine générale, je n’aurais peut-être pas saisi l’occasion non plus », confie-t-elle.
Manque de moyens et de recours
Les derniers mois ont été particulièrement compliqués pour la généraliste. Sa collègue a été malade pendant 10 mois et remplacée seulement par intermittence. Atteinte d'une maladie grave, la consœur qui devait prendre sa suite ne pourra finalement pas venir. Mais au-delà de ces circonstances exceptionnelles, la dégradation générale des conditions de travail ont considérablement pesé. « Nous avons vraiment une patientèle adorable mais j’ai un peu de dégoût par rapport à la manière dont la Cnam et certains politiques considèrent la médecine générale », souligne le Dr Caron-Mazet. Selon la généraliste au franc-parler, les médecins de famille ne disposent pas « des moyens » de gérer tout ce qui est leur est demandé. « Je fais beaucoup de fins de vie à domicile par exemple. Pour 35 euros c’est impensable ». « La deuxième chose qui devient très difficile et décourageante pour moi, c’est le manque de spécialistes de deuxième recours », ajoute la généraliste. Dans une région, qui n'est pourtant pas défavorisée sur le papier, il devient malgré tout impossible de trouver des dermatologues ou allergologues par exemple. La praticienne avoue également avoir toujours été un peu « stressée » par la précarité de l’exercice, notamment par rapport au risque maladie. « Si on veut vraiment pouvoir assumer le risque, il faut pouvoir mettre de côté, et nous ne gagnons pas autant que nous le devrions pour vraiment sécuriser notre exercice. »
Un beau métier à revaloriser
À 42 ans, la généraliste se lance donc aujourd’hui dans un nouveau défi en se tournant vers la formation continue. Elle laisse aussi de côté ses engagements syndicaux, ayant quitté le bureau des Généralistes-CSMF dont elle a fait partie pendant plusieurs années. Pour elle, il n’était pas compatible de combiner sa nouvelle activité avec l’ancienne. « Si l’on veut vraiment suivre ses patients, la médecine générale, selon moi, ne se prête pas vraiment à un exercice très partiel. »
Avant de partir le 28 décembre, le Dr Caron-Mazet souhaite cependant envoyer un message d’espoir à ses collègues : « Il ne faut pas avoir peur de ce métier. Il est fabuleux et passionnant et nous avons un rapport exceptionnel avec les gens. Maintenant que je pars, je vois la reconnaissance, la bienveillance, les remerciements très sincères. On peut vivre cela dans très peu de professions. » Elle leur recommande de « ne pas exercer seul », sans pour autant forcément rentrer dans des « choses trop contraignantes administrativement ». Mais à destination des pouvoirs publics, elle souhaite en revanche adresser un message d’alerte. « Si les conditions ne s’améliorent pas de manière significative, nous aurons beau avoir 10 000 médecins formés par an, ils ne s’installeront pas plus. L’hôpital est en grande difficulté aussi et je m’interroge sur le devenir de tous ces jeunes. Le métier est formidable mais il faut clairement le revaloriser. »
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