Elle est infatigable. À 73 ans, le Dr Maryannick Machard exerce encore le métier de médecin généraliste. Les Castelbriantais la connaissent très bien puisqu’elle est omniprésente dans sa ville de Loire-Atlantique, en prévention de l’alcoolisme et dans les milieux sportifs.
Née à Châteaubriant, dans un milieu « très pauvre », le Dr Maryannick Machar a fait ses études à Rennes avant de revenir sur sa terre natale pour s'y établir. Au départ, elle souhaitait être psychiatre, mais son « ami de l’époque ne voulait pas en entendre parler », alors elle a choisi la médecine générale. Et, déjà, elle réfléchissait à changer la pratique de la profession. « Quand j’étais plus jeune, dès que j’étais malade, il y avait des incompréhensions avec le médecin… ça ne collait pas. » Ce métier, elle l’a aussi fait car sa grande sœur avait ce rêve, non concrétisé. « J’ai d’abord fait maths-physique-chimie puis obtenu, très jeune, mon diplôme de médecin, à 24 ans. À l’époque, je n’avais comme horizon que les cahiers et les livres d’école. »
Une médecin traitant familiale à l’ancienne
Si elle est également acupuncteur et homéopathe, elle n’en reste pas moins praticienne. « Je garde mon étiquette de médecin généraliste, mais je suis attachée au fait d’avoir une écoute différente. On vient chez moi pour parler, s’expliquer, dire ce qu’on a dans la tête et le corps. Je suis une médecin traitant familiale à l’ancienne ! » Au fond, ce qui l’enchante, c’est la richesse de son quotidien. « C’est la diversité qui me plaît dans ce métier. On ne s’ennuie jamais. Dans mon esprit, être médecin, c’est aider et servir à quelque chose. »
Son mari, Michel, l’un des premiers médecins sapeurs-pompiers, est admiratif de sa femme hyperactive. « Elle a une manière de voir les choses bien à elle. Un altruisme qui la pousse à aider les autres et qui l’occupe beaucoup. Moi, pendant ce temps-là, je lui fais la cuisine ! », ironise-t-il.
Une thèse sur l’alcoolisme
Sa thèse de médecine générale, elle l’a faite sur l’alcoolisme. Son père souffrait de cette maladie. Elle s’est d’abord engagée dans le mouvement de la Croix d’or – aujourd’hui appelé Alcool assistance – mais déjà, elle trouvait la formule « un peu ringarde ». Il était, entre autres, difficile de recruter des jeunes.
Un jour, tandis que la foire de Châteaubriant battait son plein, que l’alcool coulait à flots, un sportif est mort écrasé sur la route ; alors que son entraîneur l’avait ramené devant chez lui. La médecin a décidé de faire de la prévention sur la foire, de manière à ce que ça n’arrive plus jamais. Avec son association Bonne route, elle contrôle donc l’alcoolémie des forains et, s’ils sont positifs au test, les ramène chez eux. « Cela fait une vingtaine d’années et je n’ai pas eu un seul accident », s’enorgueillit-elle, précisant qu’elle accompagne également un bar à vin et un club de rugby du coin. « L’alcool, c’est une défonce dangereuse, aujourd’hui. Je suis au contact de tous les âges et, à la foire, c’est festif, nous ne sommes jamais répressifs. Je l’interdis à mes bénévoles ! On accompagne et raccompagne chez eux ceux qui en ont besoin et, souvent, l’année d’après, ils nous donnent un coup de main ! »
Le sport pour passion
Ce qui marche auprès des publics, selon la praticienne, c’est la prévention. « L'alcool, c'est une éducation. J’allais dans les lycées avant, en terminale, première, puis seconde. Aujourd’hui, quand je vais au collège chez les sixième pour leur demander ce qu’ils boivent en rentrant chez eux, ils me répondent : "un panaché". Je suis dépassé… ». Pour elle, les confinements successifs ont aggravé la situation. Mais plus globalement, poursuit-elle, quand il y a une consommation chronique de drogues ou d’alcool, c’est qu’il y a une détresse. Pourtant, tient-elle à préciser, il n'y a pas de fatalité. « Je ne crois pas qu’il y ait de mauvaise naissance ou de ligne de vie et je suis bien placée pour le dire. Quand on est mal parti, on peut se battre pour obtenir ce qu’on veut de toutes ses forces. Certains préfèrent se laisser aller… », regrette-t-elle.
Passionnée de sport, elle s’est elle-même engagée dans plusieurs organismes. « Je préfère qu'un gosse fasse du sport plutôt que de se saouler la gueule dans un café », lâche-t-elle. Médecin du club de boxe anglaise de Châteaubriant depuis huit ans et de la fédération nationale composée de 66 000 adhérents, elle doit gérer les problèmes médicaux de 80 sportifs et faire le lien entre la fédération et l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep). Cela passe par des examens à présenter tous les ans, de la prévention et des rapports au ministère, notamment des statistiques de blessures.
Avec les champions pour préparer les JO
La praticienne a même passé une semaine de préparation aux Jeux olympiques de Tokyo avec ses « mômes », comme elle les appelle, à Villebon-sur-Yvette, dans l’Essonne. Elle était notamment chargée d’organiser les tests des participants et de les échantillonner, mais aussi de suturer ou de bander les mains des boxers. « Tous les encadrants savent que je ne sais pas dire non. On m’a demandé un jour d’être médecin de ring, puis médecin régionale, puis je me suis retrouvée médecin fédéral et coordinatrice à l’Insep ! », raconte-t-elle, hilare.
Le Dr Machard est aussi le médecin des courses hippiques sur l’hippodrome de Châteaubriant, depuis 1974. « Ces courses ne peuvent pas se tenir sans médecin. Le boulot, c’est de gérer le public, surtout… et les chutes sur le terrain ! Les jockeys vont à 50 voire 60 à l’heure. C’est une prise en charge immédiate ! Ils exigent que ce soient des urgentistes, ça tombe bien, j’ai passé un diplôme de médecine d’urgence (le diplôme Capacité en médecine d’urgence, Camu, ndlr). Et déjà, à l’époque, je trouvais qu’il y avait des manquements par rapport à certaines urgences… il fallait se démerder tout seul, il n’y avait pas de Samu ! »
Sa passion du sport, le Dr Machard l’a transmis à ses filles : l’une est championne de France de gym, l’autre d’équitation. Et elle observe la jeunesse avec un regard bienveillant. « Je pense que l’État fait mal les choses. Parcours Sup l’illustre bien : c’est complètement illogique qu’un ordinateur décide de la carrière de nos jeunes ! Il faudrait faire autrement, laisser le temps et le droit de redoubler. Je connais des médecins qui ont triplé des classes avant de réussir. On force les étudiants à rentrer dans des cases, on les coupe dans leur élan… À mon époque, c’était différent. »
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