Dans un Paris à 50 degrés, l’hôpital pourra-t-il fonctionner comme avant ? Le matériel médical actuel sera-t-il performant ? Comment nos corps réagiront-ils face à la pollution, aux nouveaux risques ? Et comment évolueront les pratiques professionnelles dans vingt-cinq ans ? Autant de questions sur lesquelles planche le groupe de travail santé de l’association française The Shifters, qui fournit un soutien bénévole au Shift Project, think tank de la transition carbone.
Le groupe dédié à la santé (environ 250 personnes) analyse ainsi, depuis des années, les enjeux du changement climatique et ses répercussions sur le système de santé et imagine les stratégies d’adaptation. Après Paris en 2024, les bénévoles organiseront à Lyon, le 28 juin 2025, le prochain congrès Santé en 2050, dont l’objectif est précisément d’anticiper les défis sanitaires liés au climat, y compris dans le domaine des pratiques professionnelles. Avec un fil rouge : le cancer et les liens avec l’environnement, de la pollution aux perturbateurs endocriniens en passant par l’alimentation.
Canicule : 2003, année charnière
Le révélateur a été la canicule de 2003, année charnière, avec la mort de 15 000 personnes dont le tiers en Île-de-France, sur le seul mois d’août. Ehpad débordés, urgences saturées, surchauffe du système de santé : cet épisode avait abouti à des mesures d’anticipation et de réorganisation. « Mais 2003 a été seulement un avant-goût de ce qu’il se passera à l’horizon 2070 avec des canicules beaucoup plus fortes, plus longues et plus intenses, alerte Romain Jarrier, ingénieur à Sorbonne-Université et lui-même shifter, pour qui l’hôpital « a beaucoup appris depuis lors. »
L’anticipation est le maître mot des experts qui interviendront lors de cette deuxième édition. Une équation compliquée : « L’avenir ne ressemblera pas au passé car en réalité rien n’a été prévu pour bien fonctionner dans le climat futur, affirme Alexandre Florentin, conseiller de Paris et président de la mission « Paris à 50 °C ». Il y a un effet domino qui peut partir d’un maillon de la chaîne qui ne fonctionne pas bien. » Par exemple, une climatisation en panne peut obliger à fermer les blocs opératoires et à reporter des opérations non urgentes, aboutissant ensuite à des transferts de patients. Que se passerait-il en cas de coupure généralisée ? Le rapport « Paris à 50 °C » énumère plusieurs préconisations pour éviter l’engorgement de l’hôpital. Avec des mesures de bon sens, comme le renforcement du maillage entre la ville et l’hôpital, mais aussi des pistes plus directives comme l’obligation d’astreinte hospitalière en période de canicule ou la création de zones climatisées dans tous les services d’urgences.
Un des défis sera la prise en compte des enjeux climatiques dans la transformation concrète des pratiques des équipes médicales. Pas si simple, encore une fois. « Pour les soignants, s’approprier les recommandations des Shifters peut être très chronophage et ne leur apporte pas de bénéfice direct dans la pratique quotidienne », analyse Céline de Laurens, adjointe à la santé au maire de Lyon. « Nous devrons éviter le regard dans le rétroviseur et plutôt l’avoir loin devant, sur la manière dont nous allons soigner demain », recommande pourtant la Dr Bérénice Schell, shifteuse et biologiste médicale au CHU Henri-Mondor (AP-HP).
Confrontation avec le réel
Une première étape d’acculturation consiste à réaliser l’ampleur de l’impact écologique déjà très visible sur le système de santé, avec la gestion des déchets, les microplastiques ou les médicaments. Des événements récents ou en cours – épidémie de chikungunya à La Réunion, inondations à l’hôpital d’Aubenas qui ont contraint à fermer un bloc opératoire, pénuries récurrentes de médicaments – doivent aussi questionner notre système de veille sanitaire, d’organisation des soins ou de gestion des stocks.
« Il faut réaliser des simulations pour prendre des décisions maintenant afin de sauver des vies dans le futur », recommande Romain Jarrier. Selon lui, 80 % du parc hospitalier français n’est pas prêt, par exemple, à affronter des inondations majeures. La préfecture de Paris organisera en octobre, avec l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), un exercice de simulation « grande crue 1901 ».
Cette sensibilisation des soignants passe aussi par une meilleure connaissance des causes des maladies. Une thématique du congrès Santé en 2050 portera sur les alkyls perfluorés et polyfluorés (PFAS), ces 4 700 produits chimiques « éternels » qui s’accumulent au fil du temps chez l’être humain et dans l’environnement, pouvant entraîner lésions hépatiques, maladies thyroïdiennes, obésité, problèmes de fertilité et cancers.
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