Quel pataquès ! En termes évidemment beaucoup plus policés, c’est en substance ainsi que l’IGAS qualifie l’actuel dispositif de Développement Professionnel Continu (DPC) mis en place par la réforme HPST. Dans le rapport qu’ils ont remis à Marisol Touraine, les trois auteurs, Bernard Deumie, Philippe Georges et Jean-Philippe Natali dressent l’inventaire de tout ce qui ne va pas dans la gestion du dispositif. Ils se sont mis à la place des médecins libéraux et comme 31% d’entre eux ont tenté de s’inscrire dans « mondpc.fr » pour constater l’absence totale d’ergonomie et les vices de conception du dispositif.... Ils ont épluché les déclarations de conflit d’intérêt des membres des Commissions scientifiques indépendantes (CSI) pour s’apercevoir que les liens avec des organismes de formation étaient fréquents et les déclarations parfois oubliées…Ils ont analysé le budget de l’OGDPC (Organisme de gestion du DPC) pour convenir qu’avec 156 millions d’euros de budget annuel, on n’arriverait jamais à former 100% des professionnels, alors qu’il faudrait au minimum 565 millions d’euros ! Enfin, ils ont décortiqué la législation… pour ne pratiquement rien y trouver qui définisse l’obligation de DPC, ni organise les sanctions en cas de non respect…
Ingérable OGDPC !
Au total, le constat tombe comme un couperet : « la loi édicte une obligation d’application immédiate pendant que, parallèlement, les pouvoirs publics ne dégagent pas les moyens de financer le respect par tous de l’obligation, comme s’ils ne croyaient pas à la force de l’obligation qu’ils ont instaurée… » A refaire donc. Pourtant, dans cet audit, l’OGDPC s’en sort plutôt bien compte tenu du contexte, puisque les inspecteurs de l’IGAS n’ont pas trouvé de grosses irrégularités dans sa gestion. Ils portent même à son crédit le nombre de professionnels inscrits et formés : ainsi, avec 141% de réalisation, l'objectif de médecins ayant accompli leur DPC est très largement dépassé en 2013. Et ce malgré un problème majeur critiqué par la mission : le choix du tout informatique et les résultats déplorables des solutions retenues. Mais même là-dessus, l’OGDPC s’en tire avec des circonstances atténuantes : c’est l’avenue de Ségur qui aurait poussé à un choix dans l’urgence du prestataire informatique. Sur le plan institutionnel aussi, le rapport de l’IGAS décrit un OGDPC ingérable, aux multiples conseils et sous-commisions. Mais là encore, à qui la faute ?
L’Etat au banc des accusés
Visiblement au concepteur. Dans cet audit, c’est l’Etat qui se trouve finalement principalement mis en cause, accusé d’intervenir, à temps et à contre temps… et souvent au dernier moment : « C’est ainsi que pour un dispositif prenant effet au 1er janvier 2012, six décrets sont datés du 30 décembre 2011 et cinq du 9 janvier 2012. Des arrêtés réglant des questions concrètes mais importantes ont été publiés ultérieurement, comme celui relatif à la grille d’évaluation des organismes qui n’est pas paru que le 26 juillet 2013 » !
Méconnaissance des comportements des acteurs, dirigisme, centralisation, ignorance des contraintes de gestion, décisions de détail prises au cabinet du ministre… Au total, l’IGAS dépeint « une conduite de projet désastreuse » et « un pilotage confus » dont on perçoit entre les lignes qu’ils tiennent pour beaucoup à la nécessité de contenter tout le monde et de concilier des intérêts divergents, à commencer par ceux des opérateurs de FMC.
Deux scénarios alternatifs
La suite dépendra des décisions que Marisol Touraine a promis de prendre après réception du rapport de l’IGAS. Les inspecteurs de l’IGAS lui font quatre propositions au sein desquelles la ministre devrait trancher. La première est la moins iconoclaste : on prend les mêmes et on recommence, moyennant quelques sérieuses retouches : obligation triennale de DPC et non plus annuelle, révision de la gouvernance de l’OGDPC, allègement des procédures, augmentation des capacités d’expertise des CSI… Ce n’est pas le scénario privilégié par les Inspecteurs, qui suggèrent plutôt de recentrer l’OGDPC sur le pilotage d’ensemble du DPC, la gestion de l’évaluation des opérateurs et les collectes de fonds, avec en régie directe les seuls programmes de DPC à vocation pluri-professionnelle. La gestion des formations propres à chaque profession serait alors assurée par leurs organismes gestionnaires spécifiques, donc le FAF pour les médecins libéraux.
Deux scénarios minimalistes
L’IGAS fait encore place à deux autres scénarios alternatifs. Première hypothèse : l’Etat (via un GIP) se contenterait d’organiser un DPC uniquement centré sur la sécurité des soins. C’est un scénario minimaliste, tant pour les pouvoirs publics que pour le DPC, mais relève le rapport « qui pourrait constituer la première brique d’un dispositif plus ambitieux qui aboutirait à la re-certification. » Enfin, le dernier scénario vise à supprimer l’obligation légale de DPC et à la remplacer par une obligation déontologique. Dans ce schéma, on ferme l’OGDPC, on supprime les CSI, on arrête les financements publics et on organise à la place des incitations financières pour les libéraux qui se forment dans le respect des méthodes validés par la HAS. L’IGAS va assez loin dans la proposition, puisqu’elle suggère des points supplémentaires dans le cadre de la ROSP ou une majoration du C pour les professionnels de santé qui se forment. La revalo du C, via le DPC : surprenant, non ?
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