Alors qu’un tiers des Ehpad n’ont aucun médecin coordonnateur à disposition, quatre syndicats professionnels* s’unissent pour dénoncer le contenu bien trop flou selon eux d’un nouveau décret d’application de la loi sur la profession infirmière de juin 2025 qui modifie en profondeur le contenu de leur mission.
Le sujet majeur porte sur l’autorisation de prescription accordée aux « medco ». « Le médecin coordonnateur peut assurer le suivi médical des résidents qui le souhaitent, et réaliser pour ceux-ci des prescriptions médicales », indique le décret, confirmant une compétence existante.
Le souci ne provient pas de ce que dit le décret, mais plutôt de ce qu’il ne dit pas. « Nous ne sommes pas opposés au fait que le medco fasse du soin, confirme la Dr Anne David-Bréard, présidente du SNGC. Mais d’une part, il n’est pas un bouche-trou pour recopier l’ordonnance du médecin traitant qui ne serait pas présent ; et d’autre part, cela doit être fait sur du temps fléché et pas sur son temps de coordination, qui est calibré et incontournable. » Pour sanctuariser les deux activités, la médecin réclame même la rédaction de deux contrats de travail : un pour le soin, et un pour la coordination. À ses yeux, c’est d’autant plus nécessaire que le temps de travail des médecins sur le papier, qui dépend du nombre de résidents (plus l’Ehpad est gros, plus la loi délimite un seuil élevé de « temps » medco), n’a rien à avoir avec la réalité du terrain.
Le Medco n’est pas un bouche-trou pour recopier l’ordonnance du médecin traitant qui ne serait pas présent
Dr Anne David-Bréard, présidente du SNGC
Gare aux limites du « télécoordinable »
Le deuxième point sensible du décret touche sur l’intervention « dématérialisée », c’est-à-dire à distance, du médecin coordonnateur, qui peut être assurée « pour une durée limitée » si l’Ehpad n’a pas trouvé chaussure à son pied. Là encore, les syndicats se méfient des intentions du législateur et ne sont pas contre une intervention ponctuelle à distance dans l’attente d’un Medco pouvant se présenter sur place. Mais cette réserve ne figure pas dans le décret. Les syndicats craignent que le recours au numérique ne soit un alibi pour éviter aux directeurs d’Ehpad de se mettre en recherche active de médecins en chair et en os. Et s’interrogent sur les limites du « télécoordinable ».
Enfin, le décret impose dans la loi la présence de l’infirmier coordonnateur aux côtés des médecins. Ainsi, sous la responsabilité du directeur d’Ehpad et du cadre de santé, ce soignant « participe à la coordination de l’équipe paramédicale, à l’organisation et à la qualité des soins paramédicaux réalisés par l’équipe soignante et contribue aux projets d’amélioration continue de la qualité des soins ».
L’infirmier coordonnateur concourt aussi à « l’exercice des missions des médecins coordonnateurs », à savoir : la construction du projet général de soins, un avis sur les admissions des patients, l’évaluation et la validation de l’état de dépendance des résidents, la formation et l’encadrement des internes, l’application des bonnes pratiques gériatriques et la fluidification du parcours de santé des résidents.
Perte de l’indépendance médicale
Là encore, les syndicats médicaux craignent que ces missions ne soient réalisées par les infirmiers avec un œil moins aguerri que celui des medco et surtout, que cela donne davantage de prise aux directions dans la gestion de la coordination des équipes soignantes. « Cette mesure menace notre indépendance vis-à-vis des directions d’Ehpad, avec qui nous bataillons sans cesse pour calculer les GIR [qui évaluent degré d’autonomie du résident, NDLR] et pour rationaliser le personnel », alerte la Dr David-Bréard. Qui craint une nouvelle fuite des médecins coordonnateurs, ressource déjà bien rare.
Syndicat national de gérontologie clinique (SNGC), Association nationale des médecins coordonnateurs et du secteur médico-social (MCOOR), Fédération française des associations de médecins coordonnateurs en Ehpad (FFAMCO), Syndicat des médecins coordonnateurs, Ehpad et autres structures, généralistes et spécialistes (SMCG-CSMF).
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