Maisons de santé : le temps du deuxième souffle ?

Par
Publié le 28/03/2025
Article réservé aux abonnés

Rémunération d’équipe, assistants médicaux partagés, infirmiers de parcours, nouvelles missions… Pour développer et faire évoluer le modèle des maisons de santé, la Cnam négocie avec les syndicats un avenant à l’accord conventionnel interpro (ACI MSP). Dynamique, le secteur entend faire la preuve de sa capacité d’innovation et valoriser ses atouts.

Crédit photo : Garo/phanie

Des vents porteurs soufflent sur les maisons de santé, encore faut-il les accompagner : c’est ce qu’ont illustré les récentes Rencontres annuelles du mouvement AVECSanté, mi-mars au Havre, qui ont mobilisé plus de 1 350 professionnels de santé et acteurs de l’exercice coordonné en MSP.

On doit continuer à soutenir le modèle des MSP qui recueille de plus en plus l'adhésion des professionnels et des patients

Thomas Fatôme, directeur général de la Cnam

Soutenu par l’exécutif et par la Cnam, ce modèle d’exercice coordonné créé en 2007 ne cesse d’affirmer sa « dynamique » avec désormais près de 2 800 maisons de santé en fonctionnement et 40 000 libéraux qui y exercent (dont 8 300 généralistes). Mais pour atteindre l’horizon des 4 000 structures pluripro en 2027, le mouvement cherche un deuxième souffle et réclame surtout un soutien durable, qui puisse valoriser l’innovation, le travail en équipe et d’éventuelles nouvelles missions.

Un accord avant l’été ?

Le message a été reçu par l’Assurance-maladie, qui a proposé fin 2024 aux syndicats de négocier un nouvel avenant à l’accord conventionnel interprofessionnel (ou ACI MSP). « On doit continuer à soutenir le modèle des MSP qui recueille de plus en plus l'adhésion à la fois des professionnels et des patients », a assumé Thomas Fatôme, directeur général de la Cnam, au Havre. Son ambition est même d’aboutir à un accord « avant l’été ». Mais comment simplifier concrètement l’exercice des équipes libérales et valoriser la coordination ? Comment répondre aussi aux nouveaux enjeux de santé publique - dont l’ETP, les parcours et les soins non programmés ? Autant de questions à aborder dans les négos avec les syndicats représentatifs, avance le DG de la Cnam.

Le premier défi concerne le nerf de la guerre. Il s’agit de soutenir la création de nouvelles MSP et de mieux accompagner les équipes existantes. La Cnam a proposé à cet effet de « simplifier et réviser le modèle de financement » des maisons de santé, un objectif soutenu par le Dr Pascal Gendry, coprésident d’AvecSanté. « Le mode de calcul actuel reste perçu comme une usine à gaz et empêche certaines équipes de franchir le pas, argumente-t-il. En le simplifiant, on améliorera l'attractivité du modèle pour les porteurs de projet ». De fait, le calcul des subventions s’articule aujourd’hui autour d’un mécanisme complexe mêlant des indicateurs « prérequis », « socles » et « optionnels » avec des points « fixes ou variables », modulés selon divers critères. Un schéma allégé est à l’étude, plus lisible et avec moins d’items. « Mais attention, ce n'est pas parce qu'on simplifie que les enveloppes doivent diminuer ! », prévient le Dr Gendry. Actuellement, chaque MSP touche en moyenne une aide conventionnelle forfaitaire de 80 000 euros par an. Les équipes pluripro « ont besoin d’un vrai choc d’attractivité », insiste-t-il.

Rémunération d’équipe ?

La Cnam affiche sa volonté de valoriser le travail de l’équipe au sein de la MSP. Les négociations pourraient ainsi aboutir à la prise en compte d’une « file active d’équipe » sur les patients en ALD. La création d’un « forfait de santé publique », sorte de rémunération sur objectifs (Rosp) pour les MSP est envisagée, notamment autour d’indicateurs de dépistage et de vaccination. « Mais quels seront les objectifs à atteindre ? s’interroge déjà le Dr Aimeric Lefetz, généraliste (FMF) qui exerce dans une MSP à Sinceny (Aisne) et participe aux discussions. Si l’objectif pour la vaccination de la grippe, c’est 80 % alors ce n’est pas atteignable ».

L’Assurance-maladie annonce aussi le passage dans le droit commun de l’expérimentation dite « IPEP » (incitation à une prise en charge partagée), un modèle innovant qui a été testé dans le cadre expérimental de l’article 51. Mais là encore, « cela doit être réaliste et pas une nouvelle usine à gaz, prévient la Dr Margot Bayard, vice-présidente de MG France. S’il faut embaucher des gens pour remplir des indicateurs, cela se fera sans nous ».

Assistants médicaux partagés

Sur le plan organisationnel, la Cnam mise sur le déploiement du travail aidé en professionnalisant la fonction de coordinateur administratif en MSP (animation de réunions, accompagnement des libéraux sur le système d’information partagé). « Le coordinateur doit être formé, confirme le Dr Gendry. Nous travaillons sur un référentiel de compétences ». Autre idée dans les tuyaux pour dégager du temps médical : la « mutualisation » de l’assistant médical entre les généralistes de la structure par un contrat collectif (et non plus individuel). Mais cette solution – revendiquée aussi par AvecSanté – nécessitera de préciser les règles en termes d’objectifs d'augmentation de la patientèle.

Sur la table enfin figure la création d’« infirmiers de parcours et de coordination » ou « infirmiers d’équipe » permettant aux MSP de mieux remplir certaines missions existantes ou nouvelles : éducation thérapeutique, prévention, parcours chroniques, soins non programmés. Reste à préciser le champ d’intervention de ces métiers supports. À cet égard, la Dr Margot Bayard, reste sceptique au sujet de l’infirmier d’équipe qui « va remplir exactement les missions d’un infirmier Asalée. »

À ce stade des négociations, les syndicats restent vigilants. Au regard du contexte contraint, la FMF s’inquiète d’un « cadrage » financier trop serré, qui risquerait de « tuer » la créativité des MSP. Pour le Dr Luc Duquesnel, président des Généraliste-CSMF, « le montant » de l’investissement sera déterminant. « On est dans une période de restriction budgétaire, rappelle le généraliste mayennais. On veillera à ce que la Cnam ne prenne pas dans la poche de l’un pour donner à l’autre ». Au Havre, le DG de la Cnam s’est montré « optimiste » même s’il reconnaît que le dernier kilomètre reste forcément « délicat ».

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du Médecin