Un député, jeune urgentiste de profession, a proposé de légiférer sur une thématique concernant la prescription de certains traitements par les pharmaciens. Une telle disposition a engendré de nombreuses réactions hostiles de la part du corps médical. Cela est-il très corporatiste, ou cette situation révèle-t-elle un réel malaise dans notre système de santé ?
En fait, si nous regardons l’évolution de la santé en France, nous ne pouvons qu’être très inquiets quant à la prise en charge future de nos concitoyens. Depuis des décennies, les politiques de tout poil n’ont pas cessé de dénigrer la médecine libérale, et il ne faut pas oublier qu’on proposait, de 1989 et jusque dans les années 2000, aux généralistes de prendre une retraite anticipée grâce au MICA (merci M. Juppé !).
N’ayant, ou plutôt ne voulant pas, anticiper une situation sanitaire future très complexe, nos énarques ont laissé notre système de santé évoluer à « son rythme » et avec un numerus clausus qui ne bougeait pas… Il est plus facile de cacher la poussière sous le tapis que de réformer un système comme la santé.
Or, les médecins de terrain (on ne les interroge que très rarement pour avoir une opinion sur ce sujet) se rendent compte qu’il devient de plus en plus difficile de prendre en charge convenablement les patients car leur nombre ne fait que diminuer (en campagne aussi bien qu’en ville).
De plus, toujours aussi méprisants, les politiques tentent des manœuvres pas très « catholiques » (assistants médicaux, proposition par notre Président de travailler jusqu’à 22h….) pour majorer les plages de consultation ou le nombre de consultations réalisées par les médecins.
A force de presser le citron...
Or, dans un futur très proche, la qualité du service médical ne sera plus à la hauteur des espérances de nos concitoyens. À force de presser le citron (travailler au-delà de 50 heures ou 70 heures, ce n’est pas possible), et de culpabiliser les praticiens (ils gagnent trop, leur capacité d’écoute des patients est très réduite…), nous allons devoir changer de manière rapide notre système de santé.
Aussi, notre cher député LREM, alerté par cette situation difficile à régler, a décidé de proposer une loi pour que d’autres professionnels de santé puissent prendre en charge les patients. Une telle disposition est tout à fait irrationnelle, et elle n’a pour but que d’assurer un service après vente politiquement correct. En donnant ce sésame aux pharmaciens, les électeurs (car c’est cette catégorie que les politiques veulent toucher) seront ravis.
Bien entendu, proposer des mesures plus concrètes et réalistes pour favoriser l’installation des libéraux cela doit rester uniquement une vue de l’esprit. Il est triste de voir que notre système de santé évolue en fonction des aléas politiques, et non des réels besoins des populations.
Nombrilisme
Quant aux pharmaciens, ils pêchent dans cette situation par manque de dialogue avec les autres partenaires de santé. Ce n’est pas en regardant son nombril que nous allons avancer, mais plutôt en agissant en coordination et en restant bien ancré dans sa pratique.
Le pharmacien doit continuer à s’occuper des médicaments, et des risques en rapport avec certaines interactions. C’est un travail souvent complexe, et de longue haleine. En acceptant cette délégation des tâches, il risque de perdre la confiance des patients, et surtout a des chances de faire des erreurs pour lesquelles il ne sera pas pardonné.
Arrêtons de mettre dos à dos les professionnels de santé, et tentons de montrer à nos responsables politiques qu’ils font mauvaise route. C’est en divisant les professionnels de santé que nos dirigeants tentent de « réparer » leurs erreurs impardonnables.
La santé devrait être le maillon fort de notre société. Or cet adage ne semble pas correct en 2019 !
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