À travers une vidéo, un scientifique reprend et analyse les raisons que donne une mère pour ne pas faire vacciner son fils. Biologiste de formation, Thomas Durand se consacre aujourd’hui à la vulgarisation scientifique. Directeur de l’Association pour la Science et la Transmission de l’Esprit Critique (ASTEC), il cherche à sensibiliser le grand public à la démarche scientifique ainsi qu'à une discipline peu connue : la zététique. Défini comme « l’art du doute », cet enseignement est présenté comme l’étude rationnelle des pseudosciences ou des « phénomènes paranormaux » et s’interroge sur les théories scientifiquement réfutables.
C'est dans ce contexte que le spécialiste s’est penché sur les arguments des anti-vaccins et a réalisé cette vidéo avec la collaboration de Pauline, une doctorante en immunologie de la chaîne en peu pointu et de JD, un médecin, de la chaîne Asclépios.
Le Généraliste : Pourquoi vous êtes-vous intéressé aux arguments des « anti-vaccins » et plus particulièrement à cette vidéo ?
Thomas Durand : De manière générale, notre association analyse les discours anti-science ou les croyances. Et, à l’heure actuelle, celui des anti-vaccins a de la portée. Or, cela pourrait avoir des conséquences graves.
J’ai remarqué cette vidéo car elle avait un million de vues et des commentaires parfois dithyrambiques où les internautes trouvaient cette maman courageuse de faire cette déclaration. Sur certains points, comme sur les adjuvants, la recherche doit peut-être se poursuivre. Mais dans le cas présent, c’est une mère qui appuie sur tous les leviers possibles pour ne pas vacciner son fils. Elle est fière d’avoir pu le placer dans une crèche malgré tout, et les gens trouvent ça normal alors qu’elle fait courir un risque aux autres enfants. Les personnes « anti-vaccins » ne sont pas idiotes, il est normal de douter. Mais ils s’appuient sur des sources non fiables. Il s’agit d’anecdotes et de témoignages plein d’émotion.
L.G. : Quelles sont, selon vous, les principales raisons, qui font que le public doute des vaccins ?
T.D. : Pour commencer, on constate une sorte de crise de confiance face à la parole publique, en particulier en France. Il y a eu plusieurs scandales sanitaires, et on ne peut pas blâmer les gens de devenir méfiants. Ici, il s’agit de plus de la santé d'enfants que la vaccination concerne prioritairement. Injecter avec une grosse aiguille des morceaux de virus, qui sont dangereux à la base, pour activer le système immunitaire, cela peut susciter des hésitations. Les parents veulent protéger leurs enfants des risques potentiels.
Le problème c’est que les risques de ne pas vacciner sont bien plus grands. Avec les progrès médicaux, on ne voit plus dans notre pays des personnes mourir du tétanos ou de la rougeole. Du coup, les gens ignorent les risques de contracter ces maladies. En revanche, ils entendent ceux développés contre les adjuvants. Ils prêtent attention à l’existence de liens possibles avec l’autisme, ce qui est faux. Le vrai danger, celui de la maladie contre lequel un vaccin protège, a été oublié, et la balance bénéfice/risque est biaisée dans leur esprit. Par ailleurs, le fait que le vaccin DTP, obligatoire en France, ne soit plus disponible sous sa forme trivalente contribut à semer le doute.
L.G. : En zététique, on parle de biais cognitifs (des biais émotionnels qui perturbent le processus cognitif et nuisent à la pensée rationnelle), lesquels sont impliqués ici ?
T.D. : Il y a d’abord le biais de confirmation : on trouve convaincants les arguments qui dans le même sens que nous. On remarque aussi l’appel aux émotions et l’appel à l’autorité, c’est-à-dire que les anti-vaccins vont réfuter les médecins qui prônent la vaccination, mais dès qu’un praticien va confirmer leurs doutes, il est forcément dans le vrai. Il y a également le fait de l’anecdote, on garde en mémoire des témoignages qui ne sont pas une généralité. S’ensuit la négligence de la taille de l’échantillon, une suite d'anecdotes ce n’est pas une étude complète avec des statistiques. Et enfin, le biais du survivant : des gens n’attachent pas leur ceinture et sont toujours en vie, alors on ne doit plus l’attacher ? Je ne suis pas vacciné et je suis en bonne santé, alors on ne se vaccine plus.
L.G. : Comment un médecin devrait agir face à des parents qui doutent pour les convaincre ?
T.D. : Il faut commencer par admettre que le doute, c’est positif. Peut-être faudrait-il demander aux parents suspicieux à quelle source ils se fient, à qui ils offrent leur confiance. La médecine a démontré son efficacité puisque l’espérance de vie augmente, on peut donc lui faire confiance. Tout est là : cultiver le lien de confiance avec ses patients.
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