« Dans le travail d’enquête auquel s’apparente la médecine, rappelle le Dr Baptiste Henry, on apprend à raisonner à partir d’un faisceau d’arguments pour éliminer ce qui est fréquent et grave, puis cerner en cercles de plus en plus étroits le problème du patient : une sémiologie qu’on affine au fil de l’expérience. On a tous retenu colique hépatique = apathique, colique néphrétique = frénétique. Suspecter un cancer de la vessie devant le duo doigts jaunes-pisse rouge, ce n’est pas du Gut feeling. » Un cadre de raisonnement diagnostique qui laisse a priori peu de place à l’instinct ou à l’intuition. Quel que soit le nom qu’on lui donne, qu’est-ce qui peut malgré tout faire retentir ce fameux Gut feeling ?
Ne pas l’opposer à l’evidence-based medicine
Une certitude, affirme le Dr Marie Barais : ce je-ne-sais-quoi qui fait parfois subitement ressentir que « ça cloche » « n’est pas un sixième sens ésotérique. Il ne s’oppose pas à l’evidence-based medicine et ne s’impose pas par magie ». Pas plus que chez le vieux garagiste capable de déceler le problème d’une voiture en écoutant son moteur, ou que chez le violoniste qui sent que son instrument ne « sonne » pas, compare-t-elle. Si l’alarme bidale se manifeste alors que, pour 25 patients, la consultation s’est déroulée en mode automatique, c’est parce que l’on « capte des symptômes, pas aussi francs que d’habitude, certains diront des signaux faibles, qui invitent à se poser ».
Difficile d’expliquer comment cela se passe intellectuellement, réfléchit le Dr Henry : « Le Gut feeling n’est pas irrationnel. Plutôt un raccourci, qui germe sans doute au carrefour de ce que l’on a appris, à la fois de nos études et de nos expériences, aussi bien professionnelles que d’être humain, et de nos centres d’intérêt : on se crée forcément une sensibilité dans certains domaines, en fonction de notre corpus de lectures et du corpus de patients que l’on rencontre, dans un territoire donné. » S’y ajoute l’expérience particulière que l’on a de chaque personne : « En médecine générale, renchérit Marie Barais, on apprend tellement à les connaître que l’on a quasiment une sémiologie par patient ».
L’expression de symptômes qui ne sont pas habituels chez le patient peut ainsi favoriser le sentiment d’alarme. L’étude menée pour l’évaluer dans la détection d’infections sévères chez l’enfant le soulignait : le facteur de contexte le plus déterminant de Gut feeling chez le médecin était le sentiment des parents que leur enfant malade n’était pas comme d’habitude.
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